dimanche 19 janvier 2014

L'homme qui avait maudit D.ieu



Cours dédié à la réfoua chéléma de Yaël bat Esther

Dans ce cours, nous allons étudier la fameuse histoire du mékalel – l’homme qui blasphéma D.ieu et fut tué par lapidation en punition.
Nous nous arrêterons, comme à notre habitude, aux questions que le texte pose.
Par exemple, beaucoup pourraient se demander : « pourquoi une punition si grave pour avoir prononcé quelques mots ? ». Eh bien, cette question ne nous interpellera pas car ce n’est qu’une question externe au texte. Ceci ne dérange pas le texte, de même en ira-t-il pour nous.


J’aimerais faire une petite parenthèse sur ce que l’on entend par blasphémer ou maudire D.ieu dans le sens de la Bible. Ces termes ont quelque peu changé de signification avec le temps ; mais aux temps de la Bible, blasphémer signifie : prononcer le Nom de D.ieu et dire des choses précises. Dans le monde biblique, on prend les mots qui sortent d’une bouche très au sérieux…
Et le blasphème est très différent de l’athéisme qui, lui, n’est pas passible de mort par la Torah. La personne athée est indifférente à l’existence de D.ieu tandis que celui qui blasphème use du Nom de D.ieu pour maudire D.ieu.

Les dessous de l’histoire


Nous allons lire l’histoire dans son ensemble. En même temps que vous lisez cette histoire, notez ce qui vous interpelle, nous comparerons nos résultats ensuite.

L’histoire dans le texte

L’histoire se trouve dans le livre de Vayikra, chapitre 24.

י וַיֵּצֵא, בֶּן-אִשָּׁה יִשְׂרְאֵלִית, וְהוּאבֶּן-אִישׁ מִצְרִי, בְּתוֹךְ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל; וַיִּנָּצוּ, בַּמַּחֲנֶה, בֶּןהַיִּשְׂרְאֵלִית, וְאִישׁ הַיִּשְׂרְאֵלִי. 
10 Il sortit, le fils d'une femme israélite, lequel était le fils d’un homme Egyptien, parmi les Bnei Israël ; et ils se disputèrent dans le camp, ce fils d'une Israélite et l’homme israélite.
יא וַיִּקֹּב בֶּן-הָאִשָּׁה הַיִּשְׂרְאֵלִיתאֶת-הַשֵּׁם, וַיְקַלֵּל, וַיָּבִיאוּ אֹתוֹ, אֶל-מֹשֶׁה; וְשֵׁם אִמּוֹ שְׁלֹמִיתבַּת-דִּבְרִי, לְמַטֵּה-דָן. 
11 Le fils de la femme israélite proféra, en blasphémant, le Nom; on le conduisit devant Moché. Le nom de sa mère était Chelomite, fille de Divri, de la tribu de Dan.
יב וַיַּנִּיחֻהוּ, בַּמִּשְׁמָר, לִפְרֹשׁלָהֶם, עַל-פִּי ה׳.  {פ}
12 Ils le mirent en prison, jusqu'à ce que D.ieu leur précise [ce qu’ils doivent faire de cet homme].
יג וַיְדַבֵּר ה׳, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר. 
13 Hachem parla ainsi à Moché:
יד הוֹצֵא אֶת-הַמְקַלֵּל, אֶל-מִחוּץלַמַּחֲנֶה, וְסָמְכוּ כָל-הַשֹּׁמְעִים אֶת-יְדֵיהֶם, עַל-רֹאשׁוֹ; וְרָגְמוּאֹתוֹ, כָּל-הָעֵדָה. 
14 "Qu'on emmène le blasphémateur hors du camp ; que tous ceux qui l'ont entendu posent leurs mains sur sa tête, et que toute la communauté le lapide.
טו וְאֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, תְּדַבֵּר לֵאמֹר: אִישׁ אִישׁ כִּי-יְקַלֵּל אֱלֹקָיו, וְנָשָׂא חֶטְאוֹ. 
15 Parle aussi aux enfants d'Israël en ces termes : quiconque maudira son D.ieu portera la peine de son crime.
טז וְנֹקֵב שֵׁם-ה׳ מוֹת יוּמָת, רָגוֹםיִרְגְּמוּ-בוֹ כָּל-הָעֵדָה:  כַּגֵּר, כָּאֶזְרָח--בְּנָקְבוֹ-שֵׁם, יוּמָת. 
16 Pour celui qui blasphème le Nom de Hachem, il mourra, toute la communauté le lapidera ; étranger comme citoyen, s'il a blasphémé le Nom, il sera puni de mort.
יז וְאִישׁ, כִּי יַכֶּה כָּל-נֶפֶשׁאָדָם--מוֹת, יוּמָת. 
17Et Si quelqu'un fait périr une créature humaine, il sera mis à mort.
יח וּמַכֵּה נֶפֶשׁ-בְּהֵמָה,יְשַׁלְּמֶנָּה--נֶפֶשׁ, תַּחַת נָפֶשׁ. 
18 S'il fait périr un animal, il le paiera, corps pour corps.
יט וְאִישׁ, כִּי-יִתֵּן מוּםבַּעֲמִיתוֹ--כַּאֲשֶׁר עָשָׂה, כֵּן יֵעָשֶׂה לּוֹ. 
19 Et si quelqu'un fait une blessure à son prochain, comme il a agi lui-même on agira à son égard :
כ שֶׁבֶר, תַּחַת שֶׁבֶר, עַיִן תַּחַת עַיִן,שֵׁן תַּחַת שֵׁן--כַּאֲשֶׁר יִתֵּן מוּם בָּאָדָם, כֵּן יִנָּתֶן בּוֹ. 
20 fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; selon la lésion qu'il aura faite à autrui, ainsi lui sera-t-il fait.
כא וּמַכֵּה בְהֵמָה, יְשַׁלְּמֶנָּה; וּמַכֵּהאָדָם, יוּמָת. 
21 Qui tue un animal doit le payer, et qui tue un homme doit mourir.
כב מִשְׁפַּט אֶחָד יִהְיֶה לָכֶם, כַּגֵּרכָּאֶזְרָח יִהְיֶה:  כִּי אֲנִי ה׳, אֱלֹהֵיכֶם. 
22 Il n’y aura qu’une seule législation pour vous tous, étrangers comme citoyens ; car je suis l'Éternel, votre D.ieu [à tous]."
כג וַיְדַבֵּר מֹשֶׁה, אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל,וַיּוֹצִיאוּ אֶת-הַמְקַלֵּל אֶל-מִחוּץ לַמַּחֲנֶה, וַיִּרְגְּמוּ אֹתוֹ אָבֶן;וּבְנֵי-יִשְׂרָאֵל עָשׂוּ, כַּאֲשֶׁר צִוָּה ה׳ אֶת-מֹשֶׁה.  {פ}
23 Moché le redit aux enfants d'Israël. On emmena le blasphémateur hors du camp, et on le tua à coups de pierres; et les enfants d'Israël firent comme Hachem avait ordonné à Moché.

Note : J’aimerais juste préciser que les lois citées ci-dessus (« œil pour œil », « corps pour corps » etc.) ne sont pas à prendre au sens littéral. Nos sages nous ont expliqué que d’un point de vue halakhique, cela signifie que le dommage doit être entièrement remboursé. Il y a, par exemple, cinq types de familles de dommage (douleur, honte etc.). Chacune est évaluée à sa juste valeur afin que le lésé obtienne une compensation totale.

Si vous deviez corriger cette rédaction

Prenez votre plus beau stylo rouge, c’est la copie de D.ieu que je vais vous demander de corriger…
Un des moyens de repérer les questions internes au texte est le suivant : imaginez que vous soyez le professeur de cet étudiant qui vous a remis ce texte que vous êtes en train de lire ; alors vous prenez sa composition et notez tout ce qui ne va pas…
1/ D’où sort-il ?
L’histoire commence par une erreur de syntaxe. Le premier verset dit : « וַיֵּצֵא (...) בְּתוֹךְ בְּנֵי יִשְׂרָאֵל » - « Il sortit (…) parmi les Bnei Israël ». Notre protagoniste ‘sort’, mais on ne sait pas d’où puisque le texte se concentre sur l’endroit où il va…
2/ On ne connaît pas son nom…
Ne trouvez-vous pas étrange qu’on ne connaisse même pas le nom de l’acteur principal de cette histoire ? Le texte est obligé de prendre des tournures compliquées pour nous parler du protagoniste. On nous donne des informations concernant son ascendance – son père était un Egyptien et sa mère était israélite. Pourquoi la Torah ne lui donne-t-elle pas un nom ?
3/ …ni celui de l’israélite…
D’ailleurs, on ne connaît pas non plus le nom de la personne avec qui le mékalel se dispute. On sait simplement qu’il est israélite. Comme si seule cette description était nécessaire à notre compréhension de l’histoire. En tout cas, cela tranche bien avec la description du mékalel. En effet, ce dernier n’est pas décrit comme étant Israélite, mais comme issue d’une relation mixte. En quoi cela nous permet-il d’appréhender l’intrigue ?
4/ …mais on connaît celui de sa mère
Pourquoi le texte s’attarde-t-il sur les informations concernant la mère du mékalel, à savoir son nom et son appartenance tribale ? Elle n’a rien à faire dans cette histoire !
Si la Torah ne cite pas le nom du mékalel, cela signifie qu’il n’a pas d’importance maintenant, et que, malgré ce qu’on puisse en penser, le nom de sa mère et l’information de sa tribu sont des éléments cruciaux pour comprendre l’identité du mékalel dans cette histoire. Comment ?
5/ Qui devrait-il maudire ?
On a aussi du mal à comprendre la suite logique des évènements. Déjà, pourquoi se disputent-ils ? On dirait bien que cette dispute a un lien avec ces histoires de famille… Et puis, si le mékalel s’est disputé avec cet Israélite, qui aurait-il dû maudire ? Il aurait dû logiquement maudire cet homme qui l’embêtait ; pourquoi a-t-il maudit Hachem ? Quel rapport ?
En bref, le texte nous laisse penser qu’on a les liens de cause à effet suivant :
Histoires de familles à Bagarre à Blasphème. Comment comprendre ces liens ?
6/ La réponse de D.ieu
Le discours de D.ieu est incompréhensible. Moché Lui demande ce qu’il doit faire à une personne qui blasphème. Dieu lui répond, mais ne s’arrête pas là, il dit que quiconque tue un autre homme est passible de mort, celui qui tue un animal doit rembourser la perte causée, celui qui blesse un animal doit rembourser la perte causée etc. Et là, vous prenez votre stylo rouge, et vous écrivez en gros « HS » !
Pourquoi D.ieu en parle-t-il ici et maintenant, en plein milieu de l’histoire du mékalel ? Ces lois ont leur place ailleurs puisqu’elles ont déjà été énoncées dans le livre de Chémot
Ceci est, je pense, le problème central de notre histoire.
7/ Aussi bien l’étranger que le citoyen
La quasi-totalité des lois de la Torah concernent aussi bien le ezra’h (citoyen) que le guer (étranger). Et c’est la raison pour laquelle il n’est pas nécessaire de spécifier à chaque fois que la Torah énonce une loi que celle-ci s’applique aussi bien au ezra’h qu’au guer. Alors pourquoi ici Hachem répète-t-il à plusieurs reprise que ces lois (ne pas tuer ni blesser d’homme et d’animaux) s’applique à la fois au ezra’h et au guer : « כַּגֵּרכָּאֶזְרָח » ?
Cela devrait toutefois vous interpeler car notre protagoniste a l’air d’appartenir à la catégorie guer[1]

Rachi et le Midrash à la rescousse !

La première chose que l’on va faire, comme bien souvent, c’est de lire ce que ramène Rachi sur ce passage. Rachi (sur le verset 10) cite un midrash que nous allons étudier. Ce qui est fascinant, c’est qu’on sent bien que les sages du Midrash ont eu les mêmes questions que nous et que ce sont justement ces questions qui les ont poussé à construire cette théorie…

ויצא בן אשה ישראלית -
מהיכן יצא? (...) ומתניתא אמרה: מביתדינו של משה יצא מחויב. בא ליטע אוהלו בתוך מחנה דן, אמרו לו מה טיבך לכאן? אמר להם: מבני דן אני. אמרו לו (במדבר ב): איש על דגלו באותות לבית אבותם כתיב. נכנס לבית דינו של משה ויצא מחויב, עמד וגדף:

« Le fils d’une femme Israélite sortit » : D’où est-il sorti ?[2]Une berayta nous apprend : Il est sorti condamné du tribunal de Moché. Il avait voulu planter sa tente au sein de la tribu de Dan. Ils lui ont dit : « De quel droit disposes-tu ici ? » Il a répondu : « Je fais partie des enfants de Dan ! » Ils lui ont rétorqué : « Il est écrit (Bamidbar 2:2): “Chaque homme sur son drapeau, selon les signes de la maison ‘de leur père’ camperont les fils d’Israël”. » Il s’est alors rendu au tribunal de Moché et, étant sorti débouté, il s’est dressé et a blasphémé.

Les enfants d’Israël étaient regroupés par tribu lorsqu’ils étaient dans le désert. Chaque tribu avait son camp – ma’hané. Et dans chaque camp, chaque famille avait son emplacement. Le problème, c’est que l’héritage de la tribu passe par le père. Donc un fils d’un homme de la tribu de Dan, par exemple, aura une part dans le camp de Dan puisque lui-même fait partie de la tribu.
Or, vient cet homme issu d’une relation interdite. Sa mère est de la tribu de Dan, certes, mais son père est égyptien. Cet homme n’appartient alors à aucune tribu pour ce qui est du campement. Il vient tout de même planter sa tente dans le camp de Dan et là, cet « homme israélite », s’oppose à son installation.
Notre protagoniste va voir Moché, en espérant qu’il lui donnerait raison, mais voilà que Moché le déboute : il doit quitter le camp de Dan…
Il ne supporte pas cette décision et il maudit D.ieu, il blasphème.

Mais cette réaction nécessite une explication. En effet, il est très énervé, déçu, frustré. Mais contre qui peut-on présumer qu’il soit énervé ? Celui par qui cette histoire a commencé, non ? Pourquoi ne maudit-il pas cet « homme israélite » de la tribu de Dan qui lui a disputé sa place ?

Pourquoi a-t-il maudit D.ieu et pas l’Israélite ?


La réponse facile

A cette question, nombreux sont ceux qui me répondront que s’il maudit D.ieu et pas l’homme israélite, c’est parce qu’il se retourne vers l’autorité, celle qui a fait cette loi qui l’exclut aujourd’hui du camp de Dan. Et cette autorité n’est autre que D.ieu.

Mais, en réalité, cet argument n’est pas très bon. Faire une loi, c’est faire un choix, c’est forcément aller dans un sens ! Il fallait bien désigner un lien de filiation pour l’héritage des tribus. Alors, une fois que le choix est fait, ce sera en la faveur de certains et en la défaveur d’autres. Ce n’est pas une raison pour considérer que cette loi soit injuste.

Non, je crois que si le mékalel s’est tourné vers D.ieu, c’est parce que c’est son D.ieu[3], c’est son créateur.

La réponse de Frankenstein

Vous connaissez l’histoire du monstre de Frankenstein. C’est un monstre créé par un homme, Frankenstein, et qui va tenter de s’insérer dans la société. Il va apprendre à lire, écrire et voudra un jour se marier. Mais il est hideux et il est rejeté par la société. Que fait le monstre ? Il ne cherche plus qu’une seule chose : se venger de son créateur.
Pourquoi ? Parce que, si toi, le créateur, tu m’as créé, qu’as-tu prévu pour moi ? Si je ne peux pas accéder aux besoins essentiels d’une créature dans ce monde, pourquoi m’as-tu créé ? Comment as-tu pu permettre ma création si je ne peux avoir ma place dans la société ?

Voilà ce que le mékalel dit à D.ieu, en quelques sortes, lorsqu’il blasphème. Comment est-ce possible que Toi, D.ieu, Tu aies permis ma création sans que Tu aies prévu une place normale pour moi dans la société, sans que Tu aies prévu que je puisse satisfaire mes besoins les plus primaires ?

Le mékalel a exprimé sa colère contre D.ieu. Mais il y a une autre « personne » envers qui le méjalel aurait pu exprimer son animosité : la société : pourquoi la société n’a-t-elle rien fait pour l’intégrer ? Pourquoi la société n’a-t-elle pas trouvé un moyen de satisfaire cet homme, lui trouver un endroit où il pourrait vivre[4] ?

La réponse de Hachem

La colère, la rage du rejeté, peut s’exprimer dans deux directions : D.ieu, d’une part, et la société, d’autre part. C’est comme cela que nous comprendrons la réponse de Hachem à la question de Moché.

En effet, Moché pose une question simple : « que fait-on au mékalel ? ». Alors Hachem lui répond :

 « Tu me poses une question précise, tu me demandes ce que tu dois faire lorsqu’une personne se met en colère contre moi ; je vais plus loin, je vais te répondre de manière plus globale.
Je comprends que la place du guer n’est pas facile à vivre au sein du peuple juif, et je sais que le guer est soumis à des pressions qui peuvent le pousser à se retourner contre Moi ou contre la société. Dans le cas présent, cet homme s’est révolté contre Moi, voilà comment il faut le juger.
Mais de manière plus large, la société ne peut accepter tous les comportements. Et voilà comment il faudra juger les gens qui s’emporteront contre la société (tuer, blesser les hommes et les animaux)… »

Conclusion un peu frustrée


Tout ça, c’est bien, mais il y a quelque chose qui ne va pas…

Si on relit le midrash que nous avons cité plus haut, qui sont les vrais « méchants » ? J’ai l’impression que cet Israélite de la tribu de Dan n’a pas été gentil de renvoyer notre protagoniste. Et surtout, Moché, ne pouvait-il rien pour cet homme ? Ne pouvait-il pas lui trouver un arrangement ? Moché a été dur de lui donner la sentence froide sans lui proposer de l’aider, non ?

Et pourtant, on ne reproche rien à Moché, et rien à la tribu de Dan. Et on se sent frustrés, avec comme un sentiment d’injustice…


L’accusation contre Moché

Que peut-on reprocher à Moché ? Imaginez que vous voulez que Moché soit jugé pour cette histoire. Quel procureur de justice prendriez-vous ? Qui jouerait un rôle parfait pour l’accusation ?

La réponse est : Yitro, le beau-père de Moché. Et ce, pour plusieurs raisons :
-          Moché était étranger à Midiane, lorsqu’il a fui l’Egypte. Yitro l’a accueilli, s’est occupé de lui, lui a donné une femme, un travail… Moché sait ce que c’est qu’être un guer (il appellera son fils Guershom – qui signifie « j’ai été un guer là-bas » en référence à Midiane) et il sait ce que c’est d’être accueilli et inséré dans la société, alors pourquoi n’a-t-il aucun sentiment pour cette personne, pourquoi ne trouve-t-il pas une solution pour lui faire une place dans la société ?
-          Moché, lui-même, a proposé à Yitro de rester dans le désert avec le peuple juif. Mais Yitro n’est même pas juif et Moché souhaite lui faire une place dans le camp. Et pour ce pauvre fils de l’Israélite, qui est Juif, Moché ne peut rien proposer ?

A cela, on peut encore ajouter ce midrash qui affirme que le père du mékalel – appelé ici Ich Mitsri – n’est autre que l’Egyptien que Moché avait tué en Egypte et qui avait causé son départ pour Midiane[5]. Ceci est une accusation supplémentaire contre Moché : c’est lui qui a tué son père, ne peut-il pas avoir de compassion ?

Au passage, Moché est aussi appelé ‘Ich Mitsri’, alors qu’il arrive à Midiane et y est considéré comme un étranger.


Il y a un acte II

Alors, je vous rassure : cette histoire n’est pas finie. Elle a un deuxième acte qui se déroulera 150 ans plus tard – l’histoire des Idoles de Mikha. Nous verrons cela la prochaine fois.

D’ici là, je vous demande de lire attentivement cette histoire des Idoles de Mikha (Choftim, 17-18) en gardant en tête l’histoire du mékalel que l’on vient d’étudier mais aussi l’histoire de Moché chez Yitro (Chémot 2:11-22).

A la prochaine !




Traduit librement par Naty à partir d’une série de conférences données par Rav Fohrman. Le titre original de la série est : « Is it Kosher to argue ? ».


[1]N.d.T – A priori, Rachi s’est aussi fait cette remarque, (sur v.10) « בתוך בני ישראל – מלמד שנתגייר » - « Au milieu des fils d’Israël : Cela nous apprend qu’il s’était converti »
[2] Rachi donne trois réponses à la question qu’il pose. Nous n’avons rapporté que la troisième ; d’une part c’est celle qui est la plus élaborée et, d’autre part, c’est celle qui nous intéressera pour la suite. Les autres réponses sont celle de Rabbi Lévi et celle de Rabbi Bérakhya.
Rabbi Lévi dit qu’il est « sorti » de son monde. Qu’est-ce que cela peut-il bien vouloir dire ? Je crois qu’il faut comprendre comme suit. Un homme vit avec des repères. Ce qu’il a déjà obtenu et auquel il est déjà habitué forme sa base de référence. Par exemple : un homme qui déménage et va habiter dans une grande maison s’habituera au bout de quelques temps à l’espace de cette nouvelle maison et ce sera sa nouvelle référence. Si la Torah ne dit pas d’où cet homme est sorti, c’est qu’il n’y a aucun repère auquel rattacher sa sortie. Il a quitté tout ce qui formait ses repères (son environnement ?), il a quitté son monde… Ceci nécessite d’être approfondi.
Rabbi Bérakhya dit qu’il est « sorti » du paragraphe précédent de la Torah, dans le sens où il s’en est moqué.
[3]N.d.T – D’ailleurs, Hachem dira (v.15) « אִישׁ כִּי-יְקַלֵּל אֱלֹקָיו » - « quiconque maudira son D.ieu ».
[4] Prenez, par exemple, la fusillade de Columbine, qu’on a vue dans les journaux (1999). Deux étudiants se sentant exclus de leur classe ont perpétré une tuerie incroyable dans leur école. Si l’on fait bien attention, ils n’ont pas seulement projeté de tuer les personnes présentes dans l’école mais ils voulaient aussi détruire l’école, le bâtiment, ce qui représente  la société pour eux.  Il est de plus rapporté qu’ils ont demandé à une fille : « Crois-tu en Dieu ? ». A peine a-t-elle répondu par l’affirmative qu’ils l’assassinaient. C’est la même idée que celle que nous venons de décrire : rage contre la société et rage contre D.ieu.
[5] En effet, les deux sont appelés ‘Ich Mitsri’, le midrash conclut qu’il s’agit de la même personne.

2 commentaires:

  1. on a dit que l'on ne connait pas son nom mais on connait celui de sa mere
    je me permet de rajouter un commentaire que j'ai entendu
    chlomit bat divri (le nom dans la tora signifie bcp sur la personne; voir commentaire de rav forhman au sujet du nom cain (acquereur))
    chlomit pour nous signifier qu elle disait "chalom" a tous le monde
    bat divri ( fille de la parole) pour nous dire qu'elle parlee bcp (trop bavarde)
    du coup son manque de "pudeur" a entrainee qu un egyptien l'a remarqué....

    RépondreSupprimer
  2. pour finir mon commentaire precedent
    un midrach raconte qu'elle (chlomit bat divri) aurai dit un matin au maitre de corvée (egyptien) de son mari ,un matin , quelque chose comme:
    " a cette heure il faudrait plutot etre au lit"
    dans l intention que son mari puisse ne pas se lever si tot le matin; mais l'egyptien a vu la une proposition...
    du coup un matin l'egyptien a attendu que le sorte de la maison et a pris sa place ds son lit...
    le mari ayant ensuite compris ce qui s'etait passé, une dispute eclata
    ce qui a abbouti a l'histoire d'un égyptien qui battait un hebreu et que moche a tué l'egyptien (pere du mekalel)

    RépondreSupprimer