mardi 3 avril 2012

La Sortie d'Egypte - Les plans secrets - Partie 2

Il s’agit là du second article d'une série en 4 parties sur la Sortie d'Egypte.

Dans cette série, Rav Fohrman nous emmène dans une enquête enivrante sur la Sortie d'Egypte.  Comment expliquer les comportements de Pharaon, de Moché, de D.ieu?

Quels étaient leurs motivations? Que cherchaient-ils au juste? 
C'est à ces questions que cette série va tenter de répondre, cherchant des indices dans les textes de la Torah.

A l’heure que tu souhaites !


Il y a un autre phénomène bizarre dans l’histoire de la sortie d’Egypte. On a un peu de mal à comprendre certaines réactions de Par’o.

Un exemple marquant se trouve lors de la deuxième plaie, la plaie des grenouilles – tséfardéa’. Par’o n’en peut plus : il y a des grenouilles partout ! Dans la mer, sur terre, dans les maisons, dans les lits, dans la farine, dans les fours etc. Par’o appelle Moché de toute urgence afin qu’il fasse quelque chose pour arrêter cette torture. Voici comment la Torah rapporte le dialogue (Chémot 5:4):
ד וַיִּקְרָא פַרְעֹה לְמֹשֶׁה וּלְאַהֲרֹן, וַיֹּאמֶר הַעְתִּירוּ אֶל-ה׳, וְיָסֵר הַצְפַרְדְּעִים, מִמֶּנִּי וּמֵעַמִּי; וַאֲשַׁלְּחָה, אֶת-הָעָם, וְיִזְבְּחוּ, לַה׳.
4 Pharaon manda Moïse et Aaron et leur dit: "Sollicitez l'Éternel, pour qu'il écarte les grenouilles de moi et de mon peuple; je laisserai partir le peuple hébreu, pour qu'il sacrifie à l'Éternel."
ה וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה לְפַרְעֹה, הִתְפָּאֵר עָלַי, לְמָתַי אַעְתִּיר לְךָ וְלַעֲבָדֶיךָ וּלְעַמְּךָ, לְהַכְרִית הַצְפַרְדְּעִים מִמְּךָ וּמִבָּתֶּיךָ: רַק בַּיְאֹר תִּשָּׁאַרְנָה.
5 Moïse répondit à Pharaon: "Prends cet avantage sur moi, de me dire quand je dois demander pour toi, tes serviteurs et ton peuple, que les grenouilles se retirent de toi et de tes demeures, qu'elles restent seulement dans le fleuve."
ו וַיֹּאמֶר, לְמָחָר; וַיֹּאמֶר, כִּדְבָרְךָ--לְמַעַן תֵּדַע, כִּי-אֵין כַּה׳ אֱלֹקֵינוּ.
6 Il repartit: "Dès demain." Moïse reprit: "Soit fait selon ta parole, afin que tu saches que nul n'égale l'Éternel notre Dieu.

Moché, donc, demande à Par’o quand il préfère que la plaie cesse. Et là, qu’aurait dû répond logiquement Par’o ? Normalement, il aurait dû dire « Immédiatement » ! Il n’en peut plus de ces grenouilles, pourquoi est-il prêt à attendre encore un jour de plus ? A quoi Par’o joue-t-il ?

Deux plaies plus tard, on retrouve cette attitude un peu « folle » de Par’o. Lors de la plaie de la peste – dévèr, durant laquelle le bétail a été décimé – Par’o, au lieu de s’enquérir de la  situation économique de son pays suite à la plaie, demande à  ce que l’on aille voir si la plaie avait aussi touché le bétail des enfants d’Israël (Chémot 9:6-7) :
ו וַיַּעַשׂ ה׳ אֶת-הַדָּבָר הַזֶּה, מִמָּחֳרָת, וַיָּמָת, כֹּל מִקְנֵה מִצְרָיִם; וּמִמִּקְנֵה בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, לֹא-מֵת אֶחָד.
6 Et l'Éternel exécuta la chose le lendemain; et tout le bétail des Égyptiens périt et du bétail des Israélites il ne périt pas une bête.
ז וַיִּשְׁלַח פַּרְעֹה--וְהִנֵּה לֹא-מֵת מִמִּקְנֵה יִשְׂרָאֵל, עַד-אֶחָד; וַיִּכְבַּד לֵב פַּרְעֹה, וְלֹא שִׁלַּח אֶת-הָעָם. {פ}
7 Pharaon fit vérifier et de fait, pas un animal n'était mort du bétail des Israélites. Le cœur de Pharaon s'obstina et il ne renvoya point le peuple.
En effet, Moché avait prévenu que seuls les Egyptiens seraient touchés.
La plaie a été un désastre, et la seule chose qui intéresse Par’o est de vérifier si Moché avait dit vrai ! Que se passe-t-il dans la tête de Par’o ?

Pourquoi Moché reste-t-il dans le flou ?


Nous avons vu que Par’o a fait aussi preuve de ’hizouk. Nous avons vu que cela sous-tendait une forme de courage à suivre un objectif. Quel est cet objectif que poursuit Par’o ? Quel genre de bataille engage-t-il avec Moché et Hachem ?

Une question bien connue existe au sujet de la dernière plaie. Alors que Moché annonce la plaie à venir, il déclare (Chémot 11: 4) :
ד וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה, כֹּה אָמַר ה׳: כַּחֲצֹת הַלַּיְלָה, אֲנִי יוֹצֵא בְּתוֹךְ מִצְרָיִם.
4 Moïse ajouta: « Ainsi a parlé l'Éternel: Vers le milieu de la nuit, je m'avancerai à travers l'Égypte »
Pourquoi Moché reste-t-il dans le flou ? Pourquoi n’annonce-t-il pas clairement que la plaie frappera au milieu de la nuit, pourquoi rester dans le flou et annoncer qu’elle aura lieu ‘vers’ le milieu de la nuit ?

Surtout que la plaie a vraiment eu lieu au milieu de la nuit, exactement (Chémot 12:29) :
כט וַיְהִי בַּחֲצִי הַלַּיְלָה, וַה׳ הִכָּה כָל-בְּכוֹר בְּאֶרֶץ מִצְרַיִם, מִבְּכֹר פַּרְעֹה הַיֹּשֵׁב עַל-כִּסְאוֹ, עַד בְּכוֹר הַשְּׁבִי אֲשֶׁר בְּבֵית הַבּוֹר; וְכֹל בְּכוֹר בְּהֵמָה.
29 Or, au milieu de la nuit, le Seigneur fit périr tout premier-né dans le pays d'Égypte, depuis le premier-né de Pharaon, héritier de son trône, jusqu'au premier-né du captif au fond de la geôle et tous les premiers nés des animaux.
Le Midrash (forme la plus ancienne d’explication de la Torah) est également dérangé par cette question. Il donne la réponse suivante (rapporté dans Rachi ad loc) :
וְאָמְרוּ שֶׁאָמַר מֹשֶׁה כַּחֲצוֹת דְּמַשְׁמָע סָמוּךְ לוֹ אוֹ לְפָנָיו אוֹ לְאַחֲרָיו וְלֹא אָמַר בַּחֲצוֹת שֶׁמָּא יִטְעוּ אִצְטַגְנִינֵי פַּרְעֹה וְיֹאמְרוּ מֹשֶׁה בַּדָּאי הוּא אֲבָל הַקָּבָּ"ה יוֹדֵעַ עִתָּיו וּרְגָעָיו אָמַר בַּחֲצוֹת
Mais nos maîtres l’ont interprété comme si Moché avait effectivement dit : « vers le milieu de la nuit… », à savoir : « aux environs du milieu de la nuit, tout de suite avant ou tout de suite après ». Et il n’a pas dit : ba‘hatsoth (« au milieu »), [contrairement à ce que Hachem lui avait ordonné], car il a craint que les astrologues de Pharaon, à la suite d’une erreur qu’ils auraient pu commettre, en viennent à dire : « Moché est un menteur ! » (Berakhoth 4a, Mekhilta sur Chémot 12, 29).
Quel est le sens de cette réponse ? Pourquoi Moché craint-il de passer pour un menteur ? Imaginez un instant la scène : des millions de morts sont annoncés pour minuit et il s’avère que des millions de personnes meurent à minuit et deux minutes. Croyez-vous que les journaux titreraient : « Moché le prédicateur hébreu est un menteur ! Il avait annoncé ‘A minuit’ et ce n’est pas ce qui s’est passé ! » ?

Cette précaution a l’air complètement superflu. Que veulent nous dire les sages du Midrash par cette explication ?

Si l’on se rappelle les réactions bizarres de Par’o que nous avons soulevées plus haut lors des plaies de tséfardéa’ et de dévèr, on peut déjà entrevoir un élément de réponse. En effet, Par’o montre, par son comportement, qu’il accorde bien plus d’importance au contrôle de la puissance de Hachem qu’à la puissance elle-même.

Regardez-bien. Ce qui intéresse Par’o, c’est de voir si Moché sera en mesure de stopper la plaie au moment où Par’o l’aura déterminé. Ce qui intéresse Par’o, c’est de savoir si Hachem a pu épargner un certain territoire de la plaie.

En clair : Par’o cherche à défier, non pas la puissance de Hachem, mais sa capacité à contrôler le temps et l’espace.

Cela étant dit, on peut comprendre la précaution de Moché sur l’annonce de l’heure. La question qui reste, cependant, est : « Pourquoi Par’o donne-t-il tant d’importance au contrôle ? Que cherche-t-il au juste ?»

Pourquoi Moché ne revient-il pas à la charge ?


Le premier débat entre Moché et Par’o, avant que les plaies ne débutent, est rapporté dans la Torah (Chémot 5) :
א וְאַחַר, בָּאוּ מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן וַיֹּאמְרוּ אֶל-פַּרְעֹה: כֹּה-אָמַר ה׳ אֱלֹקֵי יִשְׂרָאֵל שַׁלַּח אֶת-עַמִּי, וְיָחֹגּוּ לִי בַּמִּדְבָּר.
1 Puis, Moïse et Aaron vinrent trouver Pharaon et lui dirent: "Ainsi a parlé l'Éternel, Dieu d'Israël: Laisse partir mon peuple, pour qu'il célèbre mon culte dans le désert."
ב וַיֹּאמֶר פַּרְעֹה--מִי ה׳ אֲשֶׁר אֶשְׁמַע בְּקֹלוֹ, לְשַׁלַּח אֶת-יִשְׂרָאֵל: לֹא יָדַעְתִּי אֶת-ה׳, וְגַם אֶת-יִשְׂרָאֵל לֹא אֲשַׁלֵּחַ.
2 Pharaon répondit: "Quel est cet Éternel dont je dois écouter la parole en laissant partir Israël? Je ne connais point l'Éternel et certes je ne renverrai point Israël."
Devant le refus de Par’o – motivé par son ignorance de ce D.ieu d’Israël – Moché a plusieurs possibilités. Mettons-nous à sa place, qu’aurions-nous fait ?
Je vois pour ma part deux possibilités :
1)      J’accepte le refus et je retourne vers Hachem lui demander ce que je dois faire suite à cela
2)      J’essaye de nouveau de convaincre Par’o. Je lui explique qui est Hachem, de quoi il est capable et qu’il ferait mieux de réfléchir de nouveau à sa réponse. 

Mais Moché a pensé plus adéquat d’emprunter une autre direction. Il répond ceci :
ג וַיֹּאמְרוּ, אֱלֹקֵי הָעִבְרִים נִקְרָא עָלֵינוּ; נֵלְכָה נָּא דֶּרֶךְ שְׁלֹשֶׁת יָמִים בַּמִּדְבָּר, וְנִזְבְּחָה לַה׳ אֱלֹקֵינוּ--פֶּן-יִפְגָּעֵנוּ, בַּדֶּבֶר אוֹ בֶחָרֶב.
3 Ils reprirent: "Le Dieu des Hébreux s'est manifesté à nous. Nous voudrions donc aller à trois journées de chemin dans le désert et sacrifier à l'Éternel notre Dieu, de peur qu'il ne sévisse sur nous par la peste ou par le glaive."
Comment Moché espérait-il convaincre Par’o de la sorte ? Qu’est-ce que cela peut-il faire à Par’o que le dieu qu’il ne connaît pas se soit ou pas manifesté à Moché ? Moché tente peut-être de convaincre Par’o que le séjour dans le désert ne sera que de courte durée. Mais comment peut-il imaginer que cela puisse marcher ?[1]

Les noms de D.ieu


Selon la tradition juive, il existe beaucoup de noms pour désigner D.ieu. Le plus souvent, D.ieu lui-même n’a pas l’air d’être exigent sur le nom qu’on utilise pour le désigner. Sauf en quelques occasions où il précise bien son nom.

Un exemple marquant est celui-ci (Chémot 6:3), lorsque D.ieu s’adresse à Moché avant les plaies:
ג וָאֵרָא, אֶל-אַבְרָהָם אֶל-יִצְחָק וְאֶל-יַעֲקֹב--בְּאֵ-ל שַׁדָּ-י; וּשְׁמִי יְ-ה-וָ-ה, לֹא נוֹדַעְתִּי לָהֶם.
3 J'ai apparu à Abraham, à Isaac, à Jacob, en tant que ‘Kel-Chakaïe’; mais mon nom ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ je ne leur ai pas fait connaître.
Ce verset éveille en nous deux questions :
1)      Quelle est l’importance particulière des noms de D.ieu ?
2)      Est-ce vrai que le nom ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ n’était pas connu ? Il est présent de manière récurrente dans la Torah avant ce verset !

Ce n’est pas la première fois que D.ieu donne de l’importance à Son nom. Un peu plus tôt dans l’histoire, lorsque D.ieu apparaît à Moché dans le buisson ardent et qu’Il lui demande d’aller sauver ses frères d’Egypte, Moché Lui demande alors sous quel nom il devra Le présenter aux enfants d’Israël (Chémot 3:13-15):

יג וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-הָאֱלֹקִים, הִנֵּה אָנֹכִי בָא אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתִּי לָהֶם, אֱלֹקֵי אֲבוֹתֵיכֶם שְׁלָחַנִי אֲלֵיכֶם; וְאָמְרוּ-לִי מַה-שְּׁמוֹ, מָה אֹמַר אֲלֵהֶם.
13 Moïse dit à Dieu: "Or, je vais trouver les enfants d'Israël et je leur dirai: Le Dieu de vos pères m'envoie vers vous... S'ils me disent: Quel est son nom? que leur dirai-je?"
יד וַיֹּאמֶר אֱלֹקִים אֶל-מֹשֶׁה, אֶהְיֶה אֲשֶׁר אֶהְיֶה; וַיֹּאמֶר, כֹּה תֹאמַר לִבְנֵי יִשְׂרָאֵל, אֶהְיֶה, שְׁלָחַנִי אֲלֵיכֶם.
14 Dieu répondit à Moïse: "Je serai ce qui je serai!" Et il ajouta: "Ainsi parleras-tu aux enfants d'Israël: C'est  « Je serai » qui m'a délégué auprès de vous."
טו וַיֹּאמֶר עוֹד אֱלֹקִים אֶל-מֹשֶׁה, כֹּה-תֹאמַר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, ה׳ אֱלֹקֵי אֲבֹתֵיכֶם אֱלֹקֵי אַבְרָהָם אֱלֹקֵי יִצְחָק וֵאלֹקֵי יַעֲקֹב, שְׁלָחַנִי אֲלֵיכֶם; זֶה-שְּׁמִי לְעֹלָם, וְזֶה זִכְרִי לְדֹר דֹּר.
15 Dieu dit encore à Moïse: "Parle ainsi aux enfants d'Israël: ‘L'Éternel, le Dieu de vos pères, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, m'envoie vers vous.’ Tel est mon nom à jamais, tel sera mon attribut dans tous les âges.

3)      Pourquoi Hachem ne lui communique-t-il pas à ce moment-là son nom ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ ? C’était le moment idéal ? Au lieu de cela, on a l’impression que D.ieu évite la question en lui disant « אֶהְיֶה אֲשֶׁר אֶהְיֶה » !
4)      Finalement, quel est le nom de D.ieu que Moché doit rapporter à ses frères en Egypte ? Est-ce « אֶהְיֶה אֲשֶׁר אֶהְיֶה » ou bien est-ce « ה׳ אֱלֹקֵי אֲבֹתֵיכֶם » (‘Youd-Ké-Vav-Ké’) ? Quel est le message précis de D.ieu à Moché ?

Afin de répondre à ces questions, il nous faut creuser un petit peu la signification des différents noms de D.ieu que nous avons évoqués.

     Kel-Chakaïe : la Puissance maîtrisée


Kel-Chakaïe est composé de deux mots.

Le premier est « ל-א » - Kel. Ce mot existe ailleurs dans la Torah. On le retrouve à propos de Lavane (Béréchit 31:29) : « יֶשׁ-לְאֵ–ל יָדִי, לַעֲשׂוֹת עִמָּכֶם רָע » - « J’ai le pouvoir dans ma main de vous faire du mal ». Ceci nous apprend que le mot Kel veut simplement dire « pouvoir, puissance ». Ce nom est employé pour D.ieu afin de mettre en valeur la qualité de puissance et de pouvoir de D.ieu.

Le deuxième mot, « שַׁדָּ–י » - Chakaïe, n’est pas un mot habituel dans la Torah. Il est plus difficile de comprendre ce qu’il signifie. Le Midrash nous en donne une interprétation : ce nom représente D.ieu car « שאמר לעולמו די » - « c’est Celui qui a dit à Son monde ‘Ça suffit !’ ». Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que cela voudrait dire pour D.ieu que de dire ‘Stop !’ à l’Univers qu’Il a créé ?

Les sages, il y a 2000 ans, ont vu dans ce nom l’expression de la puissance de D.ieu. Pour faire simple, ce nom représente le fait qu’il y a des limitations dans les lois de la Nature et que c’estD.ieu qui a défini ces limitations.

Mais avec nos connaissances actuelles de la nature, nous pouvons peut-être ajouter une nouvelle profondeur à la compréhension de ce « שאמר לעולמו די ». En effet, et sans entrer dans les détails, les scientifiques expliquent que la Big Bang a pu aboutir à la création de l’Univers grâce à deux types de force. La première, évidente, qui découle des explosions, est une force d’expansion. Cette force permet de partir d’un point très concentré de matière, à un monde plus grand, plus développé. Mais il fallait qu’il y ait aussi une force de gravité qui permette au monde de ne pas rester un chaos.

Pour que le monde puisse être créé, il fallait que D.ieu arrive à doser ces deux forces de manière parfaite. Savez-vous quel est le degré de précision que les scientifiques ont mesuré ? 10-55 ! Cela signifie que si les deux forces étaient différentes de plus de ce minuscule iota, le monde n’aurait pas existé. Les scientifiques affirment qu’il n’y a pas moins de treize paramètres qui ont eu besoin d’être définis de manière aussi parfaite afin que le Big Bang soit réussi [2]!

Ceci nous donne une compréhension nouvelle de cette idée de D.ieu qui « a dit à Son monde ‘ça suffit !’  ». C’est l’idée du D.ieu qui a défini les paramètres des lois de la Nature afin qu’ils soient exactement ce qu’ils devraient être. D.ieu a eu besoin de stopper la nature chaotique, aléatoire des choses et leur imposa des limites et un ordre.

     Eheyé-Acher-Eheyé : La définition de la définition


Si vous demandez à quelqu’un de vous dire son nom et qu’il vous réponde : « Je suis celui que je suis », vous pourrez penser qu’il essaye de se défiler et ne répond pas à la question posée. Mais D.ieu ne peut pas éviter les questions, parce qu’Il n’en a aucun besoin, Il pourrait simplement refuser de répondre[3].

Le nom d’une personne sert aussi à définir en quelques sortes la personne. Lorsqu’une personne a une maladie (que D.ieu nous en préserve), il y a un phénomène très intéressant : lorsque le Docteur annonce le nom de la maladie, le malade se sent quelque peu soulagé, même si le médecin ne sait pas comment traiter cette maladie ; au moins, le malade sait ce qu’il a, il a une définition de ce qui lui arrive.

Il y a une règle primordiale lorsqu’on écrit une définition : on ne peut pas utiliser le mot que l’on cherche à définir dans le texte de la définition ! Alors, pour écrire la définition, nous devons puiser dans notre réservoir de noms, expressions, expériences que nous connaissons. Nous en sélectionnons quelques un, les mettons ensemble et expliquons ainsi le nouveau concept à définir.

Lorsque Moché demande Son nom à D.ieu, il Lui demande en quelques sortes de se définir. Ce que D.ieu lui répond, c’est : « Ceci est impossible ! ». « Je suis celui que je suis. Il n’y aucune expérience que tu aies vécue que je puisse utiliser pour Me décrire[4]. Je ne peux pas te dire de regarder telle et telle expérience, tel et tel concept que tu connaisses afin que tu puisses entrevoir le concept de D.ieu. Et ceci, parce que Je suis quelque chose qui est profondément, complètement, différent de tout ce que tu as pu vivre. Et donc, la seule chose qui puisse Me définir à tes yeux est Moi-même tel que Je suis ».

     Youd-Ké-Vav-Ké : L’essence de D.ieu


Si l’on regarde comment s’écrit le nom ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ – « ה-וָ-ה-יְ », il est clairement en relation avec – et a même l’air d’être composé par – la racine de trois autres mots : הוה, il est; היה, il était; et יהיה, il sera.  Certains traduisent même ce nom de D.ieu par « l’Eternel », en se basant sur les similarités que nous venons de soulever.

Pour ma part, j’aimerais suggérer que « l’Eternel » n’est pas la meilleure interprétation de ‘Youd-Ké-Vav-Ké’. Je pense en effet que ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ représente LE nom de D.ieu : tous les autres noms sont des expressions d’attributs divins, mais celui-ci représente l’essence même de D.ieu.

Mais, nous venons d’expliquer que nous ne pouvons pas réellement appréhender l’essence de D.ieu. Le Rambam dit qu’on ne peut donner aucune description de D.ieu si ce n’est sous une forme négative ; c’est-à-dire que l’on peut décrire ce qu’il n’est pas mais nous ne pouvons pas dire ce qu’il est. La seule description positive que nous puissions Lui donner est qu’Il existe. ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ est le nom qui parle de l’existence de D.ieu. Mais ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ ne veut pas dire ‘existence’. Il est composé des mots היה, הוה, et יהיה (passé, présent et futur) mais aucun de ces mots ne Le représente.

Cependant, si l’on prend ces trois mots היה, הוה, et יהיה et qu’on les superpose, par transparence, on obtiendra le mot ‘Youd-Ké-Vav-Ké’. En fait, ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ nous apprend que pour D.ieu, l’existence se vit dans ces trois dimensions à la fois. Il n’y aucune créature sur terre qui puisse vivre le Temps de cette manière. Nous vivons le Temps de manière séquentielle : nous sommes soit dans le passé, soit dans le présent, soit dans le futur ; mais D.ieu vit ces trois dimensions simultanément.

Et si D.ieu peut vivre le temps de cette façon – si le passé, le présent et le futur ne font qu’un pour Lui – alors forcément Il doit être en dehors du Temps. Nous, nous sommes à l’intérieur du temps, vivons dans ce tunnel qui va du passer vers le futur. D.ieu, Lui, est en dehors de ce tunnel. C’est aussi ce que dit le nom ‘Youd-Ké-Vav-Ké’.

Mais quel genre d’Être peut-il se tenir en dehors du Temps ? Seul le Créateur en est capable, celui qui a créé le tunnel du Temps dans lequel nous, les Hommes nous trouvons.
En fait, d’un point de vue scientifique, au moment de la création, c’est l’’Espace-temps’, avec le Temps et l’Espace, imbriqués l’un dans l’autre, qui a été créé.
Qu’y-avait-il avant la création du monde ? Il n’y avait rien. Mais le ‘rien’ est un concept que l’Homme ne peut pas saisir car il vit dans le tunnel de l’Espace. D.ieu, Lui qui l’a créé, est le seul à être extérieur à cette notion d’Espace[5].

Les noms de ‘Youd-Ké-Vav-Ké’ et ‘Je suis celui que Je suis’ identifient D.ieu, non seulement comme une puissance, comme un Kel Chakaïe, mais comme une notion qui est bien au dessus d’une force : c’est le Créateur. Le Créateur qui est en dehors du monde qu’il a créé et qui ne peut Se définir qu’en termes qui Lui appartiennent puisque rien qu’il n’ait créé ne pourraient décrire ce que signifie être le Créateur.

Ceci pose problème. Comment peut-on alors créer une relation avec un D.ieu qui est si différent de nous ? On ne peut même pas le décrire tellement il est en dehors de notre champ de compréhension !

D.ieu répond lui-même à cette question juste après avoir dit à Moché qu’Il n’était pas saisissable pour l’homme : « Je suis le D.ieu de vos pères, Avraham, Yits’hak et Ya’akov ». Ce que D.ieu dit à Moché, c’est qu’il n’a pas besoin de Le comprendre pour avoir une relation avec Lui. Certes, Il est incompréhensible pour l’humain, mais Il a eu des relations profondes avec ses ancêtres et elles ne demandent qu’à être prolongées.


La suite ici: La Sortie d'Egypte - Les plans secrets - Partie 3


[1] D’ailleurs, ça ne marche pas. Par’o s’énerve et, en plus de renvoyer Moché et Aharon, il donne encore plus de travail aux esclaves hébreux…
[2] Cf. par exemple  –  Universes de John Leslie, The Mind of God de Paul Davies ou encore Just Six Numbers de Martin Rees.
[3] Comme on le voit par exemple lorsque Ya’akov s’est battu avec l’ange et qu’il lui demanda son nom, l’ange lui répondit « Pourquoi me demandes-tu mon nom ? ». En d’autres termes, cette question est illégitime.
[4] C’est un peu comme si l’on essayer de décrire la couleur violette à un aveugle de naissance. Les couleurs ne font pas partie de son monde !
[5] Il est intéressant de noter que l’un des autres noms de D.ieu est Makom (littéralement : « Le Lieu »). On dit que D.ieu est Mékomo chel ’olam – « Le lieu du monde », c’est D.ieu qui donne un Espace au Monde.


Traduit librement par Ner Barlaï à partir d’une série de conférences données par Rav Fohrman en Mars 2009. Le titre original de la série est : « Exodus : The Hidden Agenda ».
Les vidéos originales (en anglais) sont disponibles ici:
http://www.aish.com/jl/b/eb/e/48966776.html


 

4 commentaires:

  1. Salut Naty, c'est très intéressant, 'hazak!

    mais je ne comprends pas ce passage:

    Si l’on se rappelle les réactions bizarres de Par’o que nous avons soulevées plus haut lors des plaies de tséfardéa’ et de dévèr, on peut déjà entrevoir un élément de réponse. En effet, Par’o montre, par son comportement, qu’il accorde bien plus d’importance au contrôle de la puissance de Hachem qu’à la puissance elle-même.

    Regardez-bien. Ce qui intéresse Par’o, c’est de voir si Moché sera en mesure de stopper la plaie au moment où Par’o l’aura déterminé. Ce qui intéresse Par’o, c’est de savoir si Hachem a pu épargner un certain territoire de la plaie.

    En clair : Par’o cherche à défier, non pas la puissance de Hachem, mais sa capacité à contrôler le temps et l’espace.


    Où as-tu soulevé plus haut que les réactions de Paro renvoyaient à cela?

    A+

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  2. A force de vouloir tout terminer avant Pessa'h...J'ai oublié de mettre un petit passage au début de cette partie. J'arrange ca ce soir.
    En bref, alors que Par'o n'en peut plus des grenouilles, il demande à Moché de stopper cette plaie. Moché lui demande alors "quand souhaites-tu que cela s'arrête?" et Par'o, contre toute attente répond "demain" (Chémot 5:4-6).
    Pourquoi n'a-t-il pas répondu: "immédiatement!"?
    Et merci pour les compliments.

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  3. en lisant le chne mikra de cette semaine ; une question m'est venu a l 'esprit concernant ce cours.
    le 1er verset dit "D. DIT A MOCHE :ki ani icavedti et libo ( g apesanti son coeur)
    le terme kaved a été utilisé par D
    ce qui l 'air de contredir l'idee ke D donne du courage (hazek) et pharaon s entete (kaved)

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    1. Bonne question. La réponse ici:
      http://www.alephbeta.fr/#!bo/rsykd

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