jeudi 6 août 2015

Le parcours d'Avraham (2/10) - Loth, la Terre et l’Héritage



La dernière fois, j’ai fait pour vous une sorte de résumé des points importants que j’avais développés dans la série “Brève Histoire du Monde : d’Adam à Avraham”. Maintenant, j’aimerais m’attarder sur la monter d’Avraham vers Cana’an, au tout début de la paracha Lekh Lekha, au début chapitre 12 de Béréchit. Ce que j’aimerais faire dans un premier temps, c’est simplement lire le texte, sur lequel nous reviendrons une seconde fois avec certains thèmes, idées, mots – desquels nous avons parlés précédemment – en tête. Allons-y.

Avraham se dirige vers Cana’an – 1ère lecture

Le chapitre 12 s’ouvre avec D.ieu parlant à Avraham (Béréchit 12:1-2) :
א וַיֹּאמֶר ה’ אֶל-אַבְרָם, לֶךְ-לְךָ מֵאַרְצְךָ וּמִמּוֹלַדְתְּךָ וּמִבֵּית אָבִיךָ, אֶל-הָאָרֶץ, אֲשֶׁר אַרְאֶךָּ.
1 L’Éternel avait dit à Avram : "Éloigne-toi de ton pays, de ton lieu natal et de la maison paternelle, et va au pays que je t'indiquerai.
ב וְאֶעֶשְׂךָ, לְגוֹי גָּדוֹל, וַאֲבָרֶכְךָ, וַאֲגַדְּלָה שְׁמֶךָ; וֶהְיֵה, בְּרָכָה.
2 Je te ferai devenir une grande nation ; je te bénirai, je rendrai ton nom glorieux, et tu seras un type de bénédiction.

Échos de la Tour

Nous y avons déjà fait allusion la dernière fois : ces versets font écho à l’histoire de la Tour de Babel. Pour rappel, la Tour de Babel est l’histoire dans laquelle la Tour était vouée au chème, le nom, l’héritage – l’ "héritage créatif" – des gens qui l’ont construite. Ils se sont vus comme des "constructeurs de la Tour" ; ils ont voulu s’auto-nommer d’après leur capacité à construire leur tour.
La Tour était une sorte d’expression narcissique : "Nous sommes les constructeurs de la Tour". Pourquoi l’ont-ils construite ? Simplement parce qu’ils en étaient capables. Ils ont d’abord construit des briques, sans aucun objectif. Ils voulaient juste se prouver qu’ils pourraient construire des briques. Les briques sont une fin en soi. Ce n’est qu’une fois les briques fabriquées, qu’ils se sont dit : "allons, construisons une tour, faisons un nom pour nous". Quel est ce "nom" ? Le nom, c’est la tour. "Nous sommes les constructeurs de la Tour, celle-ci sera notre nom, notre héritage". Et c’est en réponse à cette sorte de créativité tournée vers elle-même que D.ieu réagit et dit, en quelques sortes (Béréchit 11:6) : "Où cela va-t-il finir ?"
En réplique à cela, D.ieu se tourne vers Avraham après que ce dernier a démontré, de manière héroïque, qu’il était dévoué à poursuivre et développer le nom, l’héritage de son frère, mort et vulnérable, Haran. En réaction à cela, D.ieu lui dit : (Béréchit 12:2) "je grandirai ton nom". Si l’on doit démarrer un nouveau projet dans lequel on aura besoin de sélectionner une famille afin d’en faire une nation, une grande nation, comment choisir cette famille, sur quels critères se baser ? Il faudra vraisemblablement choisir quelqu’un qui a la capacité de ne pas retomber dans l’erreur narcissique des constructeurs de la Tour, quelqu’un qui ne tombera pas dans la tentation narcissique de penser "Oh ! Mon nom est grand ! Je suis une nation, maintenant !". Alors, quand D.ieu dit : "je grandirai ton nom", c’est clairement un pied-de-nez à la Tour et à ses constructeurs. Et je pense que maintenant, au début des épreuves qui attendent Avraham, il y en a une qui sera toujours présente et qui est : Réussira-t-il à faire grandir son nom sans tomber dans la sur-identification narcissique à son nom ?
Quoiqu’il en soit, la bénédiction continue (Béréchit 12:3):
ג וַאֲבָרְכָה, מְבָרְכֶיךָ, וּמְקַלֶּלְךָ, אָאֹר; וְנִבְרְכוּ בְךָ, כֹּל מִשְׁפְּחֹת הָאֲדָמָה.
3 Je bénirai ceux qui te béniront, et qui t'outragera je le maudirai ; et par toi seront bénies toutes les familles de la terre."
Voici encore une référence à la Tour qui est aussi une histoire de familles de nations. Juste avant l’histoire de la Tour, (voir Béréchit 10:32), il est question des familles des enfants de Noa’h qui se sont dispersées et sont devenues des nations. L’histoire de la Tour de Babel est une histoires de familles de nations qui ont été séparées. Ces familles de nations qui ont été séparées ne vont pas recevoir de bénédiction. Un changement fondamental dans la réponse de D.ieu à l'humanité s’opère dans le sillage de la Tour. D.ieu ne peut plus communiquer à l'Humanité comme une unité monolithique ; dorénavant, chaque nation étant indépendante, Il devra choisir une de ces nations qui servira de relais auprès du reste du monde, une nation qui sera en quelques sortes un modèle pour les autres nations. Cela semble être l'idée qui se cache derrière le choix d’Avraham qui fait suite à la Tour de Babel. C’est cette idée que l’on retrouve dans la bénédiction de D.ieu à Avraham : "par toi seront bénies toutes les familles de la terre ". Voici en quelques sortes un énoncé de mission pour Avraham. Les versets qui suivent forment les tout premiers pas d’Avraham dans la réalisation de cette mission. Lisons-les (Béréchit 12:4)  :
ד וַיֵּלֶךְ אַבְרָם, כַּאֲשֶׁר דִּבֶּר אֵלָיו ה’, וַיֵּלֶךְ אִתּוֹ, לוֹט; וְאַבְרָם, בֶּן-חָמֵשׁ שָׁנִים וְשִׁבְעִים שָׁנָה, בְּצֵאתוֹ, מֵחָרָן.
4 Avram partit comme le lui avait dit l'Éternel, et Loth alla avec lui. Avram était âgé de soixante-quinze ans lorsqu'il sortit de ’Haran.

Un dénominateur commun ?

À la lecture de ce verset, plusieurs questions viennent à l’esprit. La première est la suivante : On peut voir trois éléments apparemment sans lien : 1/ D.ieu lui a parlé, 2/ Loth est parti avec lui, et 3/ il avait soixante-quinze ans quand il a quitté ’Haran. Y-a-t-il un lien entre tous les éléments rapportés dans ces versets ?
Continuons notre lecture et voyons si le verset suivant nous donne un indice quelconque (Béréchit 12:5) :
ה וַיִּקַּח אַבְרָם אֶת-שָׂרַי אִשְׁתּוֹ וְאֶת-לוֹט בֶּן-אָחִיו (...)
5 "Avram prit Saraï son épouse, Loth fils de son frère (…)
Ce verset ajoute Saraï et précise qu’Avraham l’a prise avec lui, ainsi que Loth. On précise aussi que Loth est le fils de son frère.
(...) וְאֶת-כָּל-רְכוּשָׁם אֲשֶׁר רָכָשׁוּ, וְאֶת-הַנֶּפֶשׁ, אֲשֶׁר-עָשׂוּ בְחָרָן; וַיֵּצְאוּ, לָלֶכֶת אַרְצָה כְּנַעַן, וַיָּבֹאוּ, אַרְצָה כְּנָעַן.
(…) et tous les biens et les gens qu'ils avaient acquis à ’Haran. Ils partirent pour se rendre dans le pays de Canaan, et ils arrivèrent dans ce pays.
Pourquoi ce verset répète certaines informations que l’on connait déjà? On sait déjà qu’Avraham est en route, on sait déjà que Loth est avec lui. Alors c’est vrai qu’on sait maintenant que Saraï a été prise avec lui et que Loth est son neveu. Mais nous savions déjà que Loth était son neveu !? Que se trame-t-il dans ce verset ?
Continuons encore un petit peu (Béréchit 12:6-7) :
ו וַיַּעֲבֹר אַבְרָם, בָּאָרֶץ, עַד מְקוֹם שְׁכֶם, עַד אֵלוֹן מוֹרֶה; וְהַכְּנַעֲנִי, אָז בָּאָרֶץ.
6 Abram s'avança dans le pays jusqu'au territoire de Sichem, jusqu'à la plaine de Môré ; le Cananéen habitait dès lors ce pays.
ז וַיֵּרָא ה’, אֶל-אַבְרָם, וַיֹּאמֶר, לְזַרְעֲךָ אֶתֵּן אֶת-הָאָרֶץ הַזֹּאת; וַיִּבֶן שָׁם מִזְבֵּחַ, לַיהוָה הַנִּרְאֶה אֵלָיו.
7 L'Éternel apparut à Abram et dit : "C'est à ta postérité que je destine ce pays." Il bâtit en ce lieu un autel au D.ieu qui lui était apparu.
Ceci est l'une des premières des nombreuses promesses que D.ieu fera à Avraham : qu'il va obtenir la terre. Une des questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cette série est la suivante : pourquoi tant de promesses? Pourquoi répéter la même chose encore et encore ? Cela en devient presque un peu ennuyeux ! Quoiqu’il en soit, c’est ici qu’il reçoit sa première promesse concernant la terre[1].
Alors que D.ieu vient de lui promettre une progéniture et une terre (Béréchit 12:8-9) :
ח וַיַּעְתֵּק מִשָּׁם הָהָרָה, מִקֶּדֶם לְבֵית-אֵל--וַיֵּט אָהֳלֹה; בֵּית-אֵל מִיָּם, וְהָעַי מִקֶּדֶם, וַיִּבֶן-שָׁם מִזְבֵּחַ לַיהוָה, וַיִּקְרָא בְּשֵׁם ה’.
8 Il se transporta de là vers la montagne à l'est de Bethel et y dressa sa tente, ayant Bethel à l'occident et ’Aï à l'orient ; il y érigea un autel au Seigneur, et il proclama le nom de l'Éternel.
ט וַיִּסַּע אַבְרָם, הָלוֹךְ וְנָסוֹעַ הַנֶּגְבָּה. {פ}
9 Avram partit ensuite, se dirigeant constamment vers le midi.
Maintenant, c'est le genre de chose qui doit tout simplement vous faire halluciner. Il ne s'agit plus d'une généalogie sans intérêt évident, mais d'un carnet de voyage apparemment sans intérêt. Pourquoi avons-nous besoin de savoir où Avraham va ? Il s'en va, il est allé par ce chemin, il est à Checkem. Il construit un autel ici, et là, un autre autel. Il plante sa tente là-bas ; il est par là à côté de Bethel, puis il est sur son chemin vers 'Aï. Il se dirige vers le Sud... Pourquoi est-ce que nous devons savoir tout cela? Cela ne semble pas nous apporter quoi que ce soit. Ou, peut-être que si ?

Contexte : Terre et Enfants

Nous commençons à voir le début du développement d'une histoire ici. Tout comme nous l'avions vu, lorsque nous nous étions penchés attentivement sur la généalogie à la fin du chapitre 11 et que nous commencions à voir une histoire très dramatique se dérouler. Ainsi en sera-t-il pour ce carnet de voyage. Si nous arrivons à examiner les détails apparemment ennuyeux, nous allons pouvoir découvrir ce qui se trame dans cette histoire. Au passage, la stratégie va être la même que jusqu'à présent. C'est-à-dire : 'lire le texte en ayant le passé à l'esprit". Il faudra prendre en compte le contexte et regarder en arrière sur ces 11 premiers chapitres de Béréchit et ce carnet de voyage va, je pense, prendre vie.

Théorie

C’est ce qui m’amène à une théorie que j’aimerais vous proposer. Encore une fois, ce que j’essaye de faire, c’est essayer de prendre un peu de hauteur et de voir l’histoire d’Avraham dans son contexte. Le contexte, ce n’est rien d’autre que les onze premiers chapitres de Béréchit, que nous avons étudiés dans notre série “Brève Histoire du Monde : d’Adam à Avraham”. Nous sommes donc en position d’en tirer profit pour essayer de mieux comprendre le chapitre 12 qui marque le début de l’histoire d’Avraham…
Je voudrais suggérer ce qui suit. Dans cette petite section que nous avons examinée, longue de moins de 10 versets seulement, nous avons commencé à voir une promesse à Avraham. Il est une promesse à double tranchant. La promesse est constitué de deux choses différentes : la promesse d'enfants, d'une part, et la promesse de la terre d'autre part. Et cette "double-promesse" sera répétée au moins quatre fois. Il est intéressant de noter que ces deux éléments sont toujours ensemble. Certes, lors de la première promesse, ils ne sont pas énoncés tout à fait en même temps ; il y a d'abord la promesse des enfants, puis, celle de la terre. Mais lorsqu’elles seront répétées, elles iront toujours de paire.
Curieusement, ce n’est pas la première fois que nous voyons les enfants aller de paire avec la terre. Si l’on cherche ces notions dans les onze premiers chapitres de Béréchit, nous pourrons voir que ces deux notions – enfants et terre – y ont des racines profondes.

Petit Rappel : les deux premiers mondes

Petit rappel : Nous avions divisé les onze premiers chapitres en ce que nous avions appelé : "monde n°1" ou "monde la Création", le monde d’Adam qui atteint son apogée avec le déluge qui le détruit complètement ; et le "monde n°2" ou " monde de la Recréation" après le déluge. Nous avions vu que la Recréation a suivi le même cheminement que la Création, à de multiples égards. Il y a de nombreuses similitudes mais aussi des différences. Ce contraste nous avait suggéré que "monde n°1" était réellement le monde de D.ieu tandis que "monde n°2" était le monde de l’Homme, le monde de Noa’h. Le monde de la Création était peut-être plus vierge, c’était le monde de D.ieu. Mais le deuxième monde a été donné dans les mains des hommes ; le deuxième monde est un monde dans lequel les hommes ne sont plus végétarien ; dans lequel, les hommes et les animaux ne sont plus co-locataires, mais où l'homme est le propriétaire et l'homme peut consommer les animaux qui sont à un niveau inférieur au sien. De plus, la peur est introduite dans le monde animal : dorénavant, les animaux craignent les hommes.
Ces deux notions – enfants et terre – reviennent régulièrement dans les mondes n°1 et n°2. Voyez-vous à quoi je pense en particulier ?

Dans le monde n°1

Commençons par le monde de la Création. Je vous renvoie au sixième jour de la Création où l’on voit que le commandement d’avoir des enfants et jumelé avec la promesse de terre  (Béréchit 1:28-29) :
כח וַיְבָרֶךְ אֹתָם, אֱלֹקִים, וַיֹּאמֶר לָהֶם אֱלֹקִים פְּרוּ וּרְבוּ וּמִלְאוּ אֶת-הָאָרֶץ, וְכִבְשֻׁהָ; וּרְדוּ בִּדְגַת הַיָּם, וּבְעוֹף הַשָּׁמַיִם, וּבְכָל-חַיָּה, הָרֹמֶשֶׂת עַל-הָאָרֶץ.
28 D.ieu les bénit en leur disant "Croissez et multipliez ! Remplissez la terre et soumettez-la ! Commandez aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, à tous les animaux qui se meuvent sur la terre !"
כט וַיֹּאמֶר אֱלֹקִים, הִנֵּה נָתַתִּי לָכֶם אֶת-כָּל-עֵשֶׂב זֹרֵעַ זֶרַע אֲשֶׁר עַל-פְּנֵי כָל-הָאָרֶץ, וְאֶת-כָּל-הָעֵץ אֲשֶׁר-בּוֹ פְרִי-עֵץ, זֹרֵעַ זָרַע: לָכֶם יִהְיֶה, לְאָכְלָה.
29 D.ieu ajouta : "Or, je vous accorde tout herbage portant graine, sur toute la face de la terre, et tout arbre portant des fruits qui deviendront arbres par le développement du germe. Ils serviront à votre nourriture.
Regardez comme cela est intéressant! La bénédiction est complète, elle contient A) "tu auras des enfants, ceux-ci se disperseront sur la terre" et B) "tu domineras, la terre sera tienne, j’ai placé la terre dans tes mains"

Dans le monde n°2

Voyons maintenant le monde de la Recréation. Où trouvons-nous une idée similaire avec Noa’h ?
א וַיְבָרֶךְ אֱלֹקִים, אֶת-נֹחַ וְאֶת-בָּנָיו; וַיֹּאמֶר לָהֶם פְּרוּ וּרְבוּ, וּמִלְאוּ אֶת-הָאָרֶץ.
1 D.ieu bénit Noa’h et ses fils, en leur disant : "Croissez et multipliez, et remplissez la terre!
ב וּמוֹרַאֲכֶם וְחִתְּכֶם, יִהְיֶה, עַל כָּל-חַיַּת הָאָרֶץ, וְעַל כָּל-עוֹף הַשָּׁמָיִם; בְּכֹל אֲשֶׁר תִּרְמֹשׂ הָאֲדָמָה וּבְכָל-דְּגֵי הַיָּם, בְּיֶדְכֶם נִתָּנוּ.
2 Que votre ascendant et votre terreur soient sur tous les animaux de la terre et sur tous les oiseaux du ciel ; tous les êtres dont fourmille le sol, tous les poissons de la mer, sont livrés en vos mains.
De nouveau, il est question d’une domination complète sur la terre, couplée de l’injonction liée aux enfants "croissez et multipliez-vous". Dans le monde d'Avraham, le monde n°3, nous observons encore une fois, ces liens entre la domination sur la terre et "croissez et multipliez-vous"[2]. Comment comprendre  le lien qu’il y a entre ces deux notions ?

Lien entre les enfants et la terre

Voici la manière la plus simple de comprendre ce qui lie ces deux notions. Il y a surement un aspect philosophique plus profond à cela, mais je pense que, de manière basique, il est évident que la terre est un endroit où vivre pour les enfants.
Quelle que soit la signification que vous donniez à la notion de "terre" – que ce soit le côté maternelle de "Mère Terre", que ce soit la signification métaphysique que la terre puisse avoir, au-delà de tout cela – la terre est simplement un endroit où vivre dans le monde. Quand on demande à quelqu’un de "croitre et de se multiplier", il lui faut un endroit où vivre. On peut voir cela comme l’instinct de nidification : une femme au 8ème ou 9ème mois de grossesse souhaite déjà s’assurer que tout est en ordre pour l’arrivée du bébé. Le Rambam dit qu’un homme doit d’abord construire une maison et, seulement après, se marier et avoir des enfants.
Si ceci était vrai pour Adam, alors ça l’est doublement pour Noa’h qui a été témoin de la destruction du Monde. Comment, après tout ce qu’il a vécu, peut-il encore souhaiter avoir des enfants ? Pour qu’ils soient détruits eux aussi ?! C’est en réponse à cette inquiétude que D.ieu rassure Noa’h nous seulement en lui promettant la terre mais en lui donnant le signe de l’Arc-en-Ciel comme alliance qui signifie : "Je ne détruirai pas la terre. Le monde est réellement à toi, je le mets entre tes mains, c’est ton monde". La promesse de terre peut se traduire pour l’homme en un sentiment de sécurité. Ceci est vrai pour Adam et Noa’h à l’échelle du Monde entier. Pour Avraham, la promesse de la terre se limite au pays de Cana’an.

Contexte : La Tour

Evidemment, tout cela possède un côté obscur qui est que la promesse de terre et d’enfants peut très facilement tomber dans le narcissisme : "Cet endroit est à moi, c’est mon pays, ce sont mes enfants."

Terre et Créativité

Les enfants ne sont pas juste des enfants, ils sont aussi l’expression de nous-même. Ils sont l’expression de notre propre créativité, notre plus profond héritage. Et cet héritage peut devenir égocentrique. L’enfant n’a plus d’existence propre, autre que celle d’être la suite de ses parents.
Cette idée d'héritage, que "Ce que je crée est à moi, mes enfants sont à moi, ils sont moi et sont ma plus grande expression dans le monde", est finalement très puissante, enivrante. Mais elle peut être, potentiellement, très toxique ainsi. C’est cela l’écho de la Tour, car la Tour n’est rien d’autre que la créativité – non pas dans la sphère biologique sexuelle – mais la sphère technologique. Obsession narcissique de ma propre créativité technologique.
Or, la Tour est aussi accompagnée de la notion de terre ! (Béréchit 11:2) :
ב וַיְהִי, בְּנָסְעָם מִקֶּדֶם; וַיִּמְצְאוּ בִקְעָה בְּאֶרֶץ שִׁנְעָר, וַיֵּשְׁבוּ שָׁם.
2 Or, en émigrant de l'Orient, les hommes avaient trouvé une vallée dans le pays de Chin’ar, et ils s'y installèrent.
C’est justement une fois qu’ils étaient installés là-bas, une fois qu’ils s’étaient trouvé un endroit où vivre, qu’ils ont commencé à utiliser leur créativité personnelle – aboutissant, non pas à desenfants, mais à une tour.
Terre et enfants vont de pair. Terre et enfants peuvent être formidables ; ils peuvent être le début, comme dans le cas d'Avraham, de l'accomplissement de votre mission donnée par D.ieu dans le monde. Mais ils peuvent aussi être le début de l'obsession de l'homme avec sa propre créativité. Ceci, je pense, est l'arrière-plan du défi auquel Avraham est confronté. Dans les deux mondes précédents, cela n’a pas fonctionné.
En effet, dans le monde n°1, Adam reçoit la terre en cadeau ainsi que le commandement de procréer. Mais il n’a pas surmonté le défi posé par l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal. Puis, dans le monde n°2, Noa’h reçoit la promesse de Créativité, l’ordre d’être créatif, d’avoir des enfants ainsi que la promesse de la terre. Lui aussi est face à des défis liés à cette créativité, avec l’histoire de la Vigne, où il a failli. C’est un défi de ce type qui attend Avraham dans ce monde n°3, alors qu’il vient de recevoir les promesses de terre et d’enfants. Relisons une fois le texte, maintenant que nous avons ces éléments de contexte en tête.

Comprendre le défi d’Avraham

En relisant le texte, essayons de répondre aux questions que nous avons soulevées plus tôt, à savoir : Quel est le point commun entre les trois thèmes du verset 4 ? Pourquoi avoir répété des éléments déjà connus et en avoir ajouté des nouveaux dans le verset 5 ? Quel est le sens du carnet de voyage des versets 6, 7 et 8 ?
Afin de répondre à toutes ces questions, nous avons discuté des thèmes récurrents de terre et d’enfants dans les mondes n°1 et n°2 dans les onze premiers chapitres de Béréchit. Revenons maintenant à la fin du Chapitre 11, au passage qui précède immédiatement l’histoire de Lekh Lekha. Il s’agit de l’histoire héroïque de Na’hor et Avraham tentant de ressusciter l’héritage de leur frère défunt Haran. Nous avions indiqué que cette histoire était peut-être à l’origine de l’élection d’Avraham par Hachem, car il avait ainsi démontré sa capacité à dépasser la poursuite de son propre héritage pour s’occuper de celui de son frère vulnérable.

Avram et Na’hor

Parcourons rapidement le texte de cette histoire que nous avons étudiée la dernière fois (Béréchit 11:29).
כט וַיִּקַּח אַבְרָם וְנָחוֹר לָהֶם, נָשִׁים: שֵׁם אֵשֶׁת-אַבְרָם, שָׂרָי, וְשֵׁם אֵשֶׁת-נָחוֹר מִלְכָּה, בַּת-הָרָן אֲבִי-מִלְכָּה וַאֲבִי יִסְכָּה.
29 Avram et Na’hor se marièrent. La femme d'Avram avait nom Saraï, et celle de Na’hor, Milka, fille de ’Haran, le père de Milka et de Yiska.
Comme nous l’avions expliqué, Avram et Na’hor se marient aux filles de leur frère qui vient de mourir jeune afin de perpétuer son héritage – le mot clé est "chème" ou ‘nom’ directement issu de la Tour de Babel. Alors que les gens de la Tour de Babel se sont narcissiquement occupés de leur nom, Avram et Na’hor s’opposent à ce type de comportement, et cherchent uniquement à perpétuer le nom de leur frère défunt, en ayant des enfants qui seront ses enfants. Ils font une sorte de Yiboum – lévirat[3].
Cependant, les efforts d’Avraham semblent voués à l’échec, comme en témoigne le verset qui suit le mariage d’Avraham avec Sarah (Béréchit 11:30) :
ל וַתְּהִי שָׂרַי, עֲקָרָה: אֵין לָהּ, וָלָד.
30 Saraï était stérile, elle n'avait point d'enfant.
Ce verset est lourd de sens. Malgré toutes les bonnes intentions d’Avraham, sa mission semble bien compliquée. (Béréchit 11:31)
לא וַיִּקַּח תֶּרַח אֶת-אַבְרָם בְּנוֹ, וְאֶת-לוֹט בֶּן-הָרָן בֶּן-בְּנוֹ, וְאֵת שָׂרַי כַּלָּתוֹ, אֵשֶׁת אַבְרָם בְּנוֹ; וַיֵּצְאוּ אִתָּם מֵאוּר כַּשְׂדִּים, לָלֶכֶת אַרְצָה כְּנַעַן, וַיָּבֹאוּ עַד-חָרָן, וַיֵּשְׁבוּ שָׁם.
31 Téra’h emmena Avram son fils, Loth fils de Haran son petit-fils, et Saraï sa belle-fille, épouse d'Avram son fils ; ils sortirent ensemble d'Our-Kasdim pour se rendre au pays de Cana’an, allèrent jusqu'à ’Haran et s'y installèrent.
Téra’h, alors, prend Avram, Loth et leur famille pour aller dans cet endroit spécial, Cana’an. Malheureusement, ils sont bloqués à ’Haran et ils s’y installent. Comme nous l’avons vu, ces mots "וַיֵּשְׁבוּ שָׁם" – " ils s’y installèrent" sont un écho flagrant à l’histoire de la Tour de Babel, seul autre endroit de la Torah où ces deux mots apparaissent.
C’est à cet instant que l’on commence à voir le côté obscur des promesses, c’est-à-dire qu’Avraham est à ce moment confronté au même défi que celui de la Tour de Babel. Certes, Avraham, cherche à être altruiste dans sa créativité, mais au bout d’un moment, il est légitime qu’il se demande : "J’ai tout essayé et ça n’a pas marché, combien de temps dois-je encore continuer à essayer de perpétuer le nom de mon frère ?! Ma femme est stérile, elle ne pourra pas avoir des enfants ! Si c’est ainsi, ne puis-je pas désormais un peu penser à moi, à mon propre nom ?" Je crois que c’est ce défi qui dessine le contexte de toute l’histoire d’Avraham. Et c’est avec ce défi que le Chapitre 11 se termine. Poursuivons maintenant dans le Chapitre 12.

Ambiguïté autour de Loth

Un des points qui va beaucoup nous occuper dans cette série de cours est le suivant : Quelle relation Avraham a envers Loth ? D’un côté, cette relation peut être altruiste : "Loth est un pauvre orphelin, sous le choc de la mort de son père, alors on prend soin de lui". D’un autre côté, cette relation peut aussi être vue de manière très égoïste[4], comme le suggère une certaine ambiguïté au début du Chapitre 12, comme suit.
Avraham vient de recevoir une promesse, il va devenir une grande nation. Mais, si vous êtes Avraham, cela vous pose un problème car vous savez que vous avez déjà un âge avancé et que jusqu’à présent vous n’avez pas eu la chance d’avoir un enfant. Vous êtes marié à Sarah, vous lui avez été fidèle jusqu’au bout. Vous vous êtes marié avec elle pour perpétuer le nom de votre frère défunt. Alors, vous ne comprenez pas cette promesse de D.ieu : "D’où ces enfants vont-ils sortir ?" D.ieu vous a dit : "Ne reste pas coincé ici, ne reste pas à ’Haran...". Alors, vous pensez que, métaphoriquement, cela signifie : "ne suis pas l’exemple des gens de la Tour de Babel, ne fais pas la même erreur qu’eux, qui sont restés coincés – "וַיֵּשְׁבוּ שָׁם", il faut que tu te sortes de ‘Haran et que tu ailles dans cet endroit spécial – Cana’an – où ta vraie descendance viendra".
Alors Avraham écoute, il croit en D.ieu et il part.
ד וַיֵּלֶךְ אַבְרָם, כַּאֲשֶׁר דִּבֶּר אֵלָיו ה’, וַיֵּלֶךְ אִתּוֹ, לוֹט; וְאַבְרָם, בֶּן-חָמֵשׁ שָׁנִים וְשִׁבְעִים שָׁנָה, בְּצֵאתוֹ, מֵחָרָן.
4 Avram partit comme le lui avait dit l'Éternel, et Loth alla avec lui. Avram était âgé de soixante-quinze ans lorsqu'il sortit de ’Haran.
Je pense qu’il y a une grande ambiguïté dans ce verset. On nous donne l'âge d'Avraham immédiatement après la promesse qu'il va devenir une grande nation. Si vous êtes Avraham, que pensez-vous? Vous pensez – ou plutôt vous martelez cela dans votre tête :  "J’ai 75 ans et D.ieu m’a promis que je vais être une grande nation, j’ai 75 ans et D.ieu m’a promis que je vais être une grande nation ! Personne n'a plus d’enfant à 75 ans ! Comment vais-je avoir des enfants ? Ma femme est vieille, et je suis vieux ! Comment est-ce possible ? Comment est-ce possible ?!"
Regardez l'élément central de ce verset. Avraham part, il a confiance en D.ieu. Il quitte la terre de ses ancêtres, et part vers la terre que D.ieu lui indiquera. Et pourtant le centre du verset ne parle pas d’Avraham mais…de Loth ! Si vous êtes Abraham, qu'est-ce que vous pensez à propos de Loth ? Quelle est la façon égocentrique de penser à Loth ? Vous vous dites : "Eh bien, la promesse des enfants et d’une grande nation est à prendre au sens métaphorique. Cela ne signifie pas nécessairement que j’aurai des enfants. D’ailleurs, on ne m’a pas encore promis que j’aurai effectivement des enfants, pour l’instant. En revanche, on m’a promis que j’allais devenir une grande nation. Ma famille va devenir une grande nation". Avraham regarde Loth et pense : "Peut-être que mon héritage viendra à travers Loth !" Alors, pourquoi Avraham prend-t-il soin de Loth ? Peut-être qu’il prend soin de Loth parce qu’il vient de recevoir la promesse qu’il va devenir une grande nation ? Peut-être que c’est à travers Loth qu’il va devenir une grande nation ?!
Les idées doivent se secouer dans la tête d’Avraham : "Loth est-il le dernier enfant de mon frère défunt et donc son héritage ? Ou bien Loth est-il mon héritage ? Est-ce lui qui va devenir ma grande nation ? Je n’ai pas réussi à avoir des enfants pendant ces nombreuses années de mariage avec Sarah. Peut-être que Loth est mon fils ! Finalement, j’essayais de perpétuer le nom de mon frère Haran et Loth n’est autre que le fils de Haran. Voilà ! Je n’ai qu’à l’adopter, le faire mien !"

Des répétitions lourdes de sens

Relisons maintenant le verset 5 et voyez comment la Torah ajoute encore un peu de texture à cette idée que nous développons au sujet de Loth.
ה וַיִּקַּח אַבְרָם אֶת-שָׂרַי אִשְׁתּוֹ (...)
5 "Avram prit Saraï son épouse (…)
La dernière fois que le texte avait parlé de Saraï, c’était pour nous informer qu’elle était stérile. C’est donc cette femme qui ne peut pas avoir d’enfant qu’Avraham prend avec lui :
וְאֶת-לוֹט בֶּן-אָחִיו (...)
et Loth fils de son frère (…)
C’est ici qu’on nous rappelle le lien familial qui lie Loth à Avraham : Loth est son neveu. C’est vrai que nous le savions déjà, mais le fait est que Loth ne soit pas le fils d’Avraham mais le fils de son frère est, comme nous l’avons vu, la tension centrale de notre histoire ! Qui est Loth, réellement, pour Avraham ?! Est-ce son fils, son héritage ou bien est-ce celui de son frère ?!

Un autel contre une tour

Poursuivons notre lecture, nous sommes aux versets 6-7-8 qui retracent une sorte de carnet de voyage à propos de la banalité duquel nous nous étions étonnés :
ו וַיַּעֲבֹר אַבְרָם, בָּאָרֶץ, עַד מְקוֹם שְׁכֶם, עַד אֵלוֹן מוֹרֶה; וְהַכְּנַעֲנִי, אָז בָּאָרֶץ.
6 Abram s'avança dans le pays jusqu'au territoire de Sichem, jusqu'à la plaine de Môré ; le Cananéen habitait dès lors ce pays.
ז וַיֵּרָא ה’, אֶל-אַבְרָם, וַיֹּאמֶר, לְזַרְעֲךָ אֶתֵּן אֶת-הָאָרֶץ הַזֹּאת; וַיִּבֶן שָׁם מִזְבֵּחַ, לַיהוָה הַנִּרְאֶה אֵלָיו.
7 L'Éternel apparut à Abram et dit :"C'est à ta postérité que je destine ce pays." Il bâtit en ce lieu un autel au D.ieu qui lui était apparu.
ח וַיַּעְתֵּק מִשָּׁם הָהָרָה, מִקֶּדֶם לְבֵית-אֵל--וַיֵּט אָהֳלֹה; בֵּית-אֵל מִיָּם, וְהָעַי מִקֶּדֶם, וַיִּבֶן-שָׁם מִזְבֵּחַ לַיהוָה, וַיִּקְרָא בְּשֵׁם ה’.
8 Il se transporta de là vers la montagne à l'est de Bethel et y dressa sa tente, ayant Bethel à l'occident et ’Aï à l'orient ; il y érigea un autel au Seigneur, et il proclama le nom de l'Éternel.
Le grand défi central auquel Avraham est confronté, est le défi de la Tour. C’est le défi qui pourrait s’exprimer comme suit : "comment dois-je vivre cette promesse que je vais avoir un grand nom ? Vais-je devenir obnubilé par mon propre nom ?" Telle est la question que la Tour pose à Avraham. Pensez à ce défi de la Tour lorsque vous lisez ce carnet de voyage.
Avraham est à Checkhem. Qu'est-ce qu'il y fait ? Il y construit un autel, en hébreu : " וַיִּבֶן שָׁם מִזְבֵּחַ". "Chame", au passage, est le même mot, mais une vocalisation différente, que le mot "Chème" qui signifie l’héritage ou le nom. Ce mot est symptomatique de l'histoire de la tour de Babel dont le sujet principal est l’obsession des hommes à se faire un "Chème". Par ailleurs, le mot « שם » qui se lit "Chème" ou "Chame" apparaît sept fois dans l'histoire de la tour. Bref, nous retrouvons ici le "Chème" ou le "Chame" de la tour. Ici, nous avons l’établissement d’un nom, ainsi que la construction d'un autel. Ainsi en est-il dans la Tour où les gens cherchent à se faire un nom et à construire une tour. Mais il y a une grande différence entre l’autel d’Avraham et la Tour de Babel ! Car l’autel a été construit pour le nom de D.ieu, alors que la Tour a été construite pour que les hommes se fassent un nom. La construction d’Avraham n’est pas narcissique !
Si l’acte de Yiboum – lévirat – de Haran a été une action qui permette de préserver, et même de développer l’héritage d’un autre homme – son propre frère, alors cette construction d’un autel, est également une action qui permette, non pas de s’occuper de l’acquisition de ma propre terre, mais plutôt de s’occuper de D.ieu. Souvent, la manière dont une personne interagit avec les autres hommes est similaire à celle avec laquelle il interagit avec D.ieu. Si vous êtes une personne généreuse, alors vous êtes généreux dans toutes vos relations, aussi bien avec D.ieu qu’avec les hommes. Si vous êtes égoïste, alors vous l’êtes dans toutes vos relations.
Le même Avraham qui est prêt, potentiellement, à sacrifier son héritage pour celui de son frère, porte un regard similaire vis-à-vis de la terre : D.ieu vient de lui promettre la terre et la grande tentation pour Avraham est de se dire "ma terre". C’est pour cela qu’immédiatement Avraham réagit pour éviter de tomber dans ce piège. Comment s’y prend-t-il ?
Une des manières par lesquelles on prend possession d’une terre, c’est en y construisant quelque chose de durable. C’est comme cela qu’on la fait sienne : on y fait une marque aussi permanente que possible. Or, il n’y a rien de plus permanent qu’un autel de pierres. Il suffit de visiter Israël et vous y trouverez des autels de pierres datant de plus de 3000 ans. Vous pouvez les trouver dans la vieille ville de ’Aï, ou encore dans la ville de Chekhem ; ils sont toujours là. En ce sens, un autel est l’ultime acte d’acquisition ; mais cette acquisition n’est pas pour moi, elle est pour D.ieu.
Voilà l’acte héroïque d’Avraham en réponse à la Tour. Tout comme les constructeurs de la Tour, il construit. Il construit une petite tour, un autel, mais ce n’est pas un autel pour lui, c’est un monument pour D.ieu.

Deux autels et une tente

Après avoir construit un autel, il plante une tente entre l’endroit où il était et ’Aï. Et immédiatement après il construit un autre autel. Avraham construit donc deux autels et une tente au milieu. Les deux 
autels sont des monuments pour D.ieu, tandis que la tente sert d’habitation pour Avraham. La différence ? Un autel est permanent, une tente est provisoire. Avraham montre à quel point il évite de s’aveugler avec cette promesse de terre. Il fait tout pour ne pas tomber dans les travers de la Tour de Babel : il se construit une maison provisoire, mais en construit deux qui sont permanentes pour D.ieu. Il reste conscient que ce n’est qu’une promesse, elle ne se réalisera pas tout de suite, la terre n’est pas à lui pour l’instant. C’est pour cela que le verset précise que le Cana’anéen habitait alors sur cette terre.
Et que fait Avraham juste après avoir construit le second autel ? Il "proclama le nom de l'Éternel" – " וַיִּקְרָא בְּשֵׁם ה’". C’est vraiment l’histoire de Babel à l’envers ! L’objet principal de cette histoire est l’établissement d’un nom, mais pas celui d’Avraham. De la même manière qu’Avraham s’était occupé du Chème, de l’héritage de son frère, il s’occupe maintenant du Chème, de l’héritage de D.ieu. Et cela marque, je pense, le début du triomphe d’Avraham.

Conclusion

J’aimerais maintenant que l’on analyse de plus près les noms des endroits cités dans ce carnet de voyage. Je souhaite vraiment que vous y réfléchissiez avant de lire le prochain cours de notre série. Comme nous le verrons, Rachi s’attarde sur la signification de ces noms. ’Aï, Chekhem, ce sont des noms qui ont une signification dans l’histoire juive. Prenez un Tanakh, chercher les fois où des choses s’y sont passées, essayez de trouver une corrélation entre ’Aï et Chekhem : vous verrez, c’est fascinant, on y retrouve encore les notions de terre et d’héritage.
A la prochaine !


Traduit librement par Naty à partir d’une série de conférences données par Rav Fohrman en 2007. Le titre original de la série est : «  Abraham’s Journey I ».





[1] Il est assez intéressant de noter que c’est bien la première fois que D.ieu promet une terre à Avraham. Jusqu’à présent, D.ieu avait promis qu’il ferait de lui "une grande nation". Certes, il lui demande d’aller vers une terre qu’Il lui "montrera" mais Il ne lui dit pas "et je te donnerai cette terre". S’Il lui promet une grande nation, Il ne lui dit pas où ils pourront habiter ! C’est maintenant chose faite, la terre est aussi promise.
[2] Fait marquant, Avraham  n’a pas le commandement de "croissez et multipliez-vous", mais il en la promesse. Nous parlerons plus tard, peut-être, de la différence entre commandement et promesse et de ce que cela implique pour Avraham.
[3] Je vous renvoie au précédent cours de cette série qui traite de cette histoire en détail.
[4] C’est peut-être un peu cynique de voir les choses de cette manière, mais je suis convaincu qu’elle est possible.

2 commentaires:

  1. hazak, aurons nous la suite bientot?

    hanoukka sameah

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    1. J'aimerais trop pouvoir avancer sur ce projet aussi. Malheureusement alephbeta.fr me prend tout mon peu de temps disponible... J'en suis tellement navré...

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