dimanche 24 juin 2012

Le Bâton et le Rocher - Parachiot Kora'h et 'Houkat

Il y a une question que chacun d’entre nous s’est sûrement déjà posée à propos de Moché. Une question qui résonne en nous et qui nous saisit d’émotion. A la fin de la Torah, Hachem demande à Moché de monter sur le mont Névo où il va mourir, et Moché le sait. Du haut de la montagne, Hachem montre à Moché la Terre d’Israël sous tous ses angles, mais ce dernier n’y entrera jamais. Pourquoi Hachem réserve-t-il ce sort à Moché ? Si nous devions définir une personne favorite aux yeux de Hachem, à travers toutes les générations, ce serait bien lui !

Imaginons un instant un tribunal céleste chargé de décider si Moché mérite d’entrer en Israël. On y ferait une analyse des bonnes et mauvaises actions afin de délibérer.
Qu’y aurait-il été dit ? D’un côté, il a fait sortir les Bnei Israël d’Egypte, les a guidés pendant quarante ans dans le désert, leur a donné la Torah, a sacrifié sa vie pour eux, au point qu’il était prêt à mourir pour eux, il les a défendus à maintes reprises devant Hachem… De l’autre côté, que peut-on lui reprocher ? Certes, il a frappé le rocher au lieu de lui parler ! Mais cela paraît bien mince en comparaison de tout ce qu’il a accompli de bien.

Cela est très difficile à comprendre. Pourquoi Hachem a-t-il été aussi dur avec Moché?

On pourra analyser un des aspects de cette question au travers de textes se trouvant dans le livre des Nombres – Sefer Bamidbar. En quelques mots : Le peuple est dans le désert depuis quarante ans et il est en crise et veut de l’eau. Hachem demande à Moché de parler au Rocher. Moché frappe le Rocher avec le Bâton. A cause de cela, Hachem lui annonce qu’il ne conduirapas le peuple en Terre d’Israël. L’histoire se trouve dans Bamidbar (Nombres, 20 : 1-13). Lisons attentivement ce passage et essayons de voir les questions qu’il soulève.

Le prologue et Myriam


א וַיָּבֹאוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל כָּל-הָעֵדָה מִדְבַּר-צִן, בַּחֹדֶשׁ הָרִאשׁוֹן, וַיֵּשֶׁב הָעָם, בְּקָדֵשׁ; וַתָּמָת שָׁם מִרְיָם, וַתִּקָּבֵר שָׁם. 
1 Les enfants d'Israël, toute la communauté, arrivèrent au désert de Cîn, dans le premier mois, et le peuple s'arrêta à Kadêch. Myriam mourut en ce lieu et y fut ensevelie.
ב וְלֹא-הָיָה מַיִם, לָעֵדָה; וַיִּקָּהֲלוּ, עַל-מֹשֶׁה וְעַל-אַהֲרֹן. 
2 Or, la communauté manqua d'eau, et ils s'ameutèrent contre Moïse et Aaron;
ג וַיָּרֶב הָעָם, עִם-מֹשֶׁה; וַיֹּאמְרוּ לֵאמֹר, וְלוּ גָוַעְנוּ בִּגְוַע אַחֵינוּ לִפְנֵי ה’. 
3 et le peuple chercha querelle à Moïse, et ils parlèrent ainsi: "Ah! Que ne sommes-nous morts quand sont morts nos frères devant l'Éternel!
ד וְלָמָה הֲבֵאתֶם אֶת-קְהַל ה', אֶל-הַמִּדְבָּר הַזֶּה, לָמוּת שָׁם, אֲנַחְנוּ וּבְעִירֵנוּ. 
4 Et pourquoi avez-vous conduit le peuple de D.ieu dans ce désert, pour y périr, nous et notre bétail?
ה וְלָמָה הֶעֱלִיתֻנוּ, מִמִּצְרַיִם, לְהָבִיא אֹתָנוּ, אֶל-הַמָּקוֹם הָרָע הַזֶּה:  לֹא מְקוֹם זֶרַע, וּתְאֵנָה וְגֶפֶן וְרִמּוֹן, וּמַיִם אַיִן, לִשְׁתּוֹת. 
5 Et pourquoi nous avez-vous fait quitter l'Egypte pour nous amener en ce méchant pays, qui n'est pas un pays de culture, où il n'y a ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, ni eau à boire!"
ו וַיָּבֹא מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן מִפְּנֵי הַקָּהָל, אֶל-פֶּתַח אֹהֶל מוֹעֵד, וַיִּפְּלוּ, עַל-פְּנֵיהֶם; וַיֵּרָא כְבוֹד-ה’, אֲלֵיהֶם.  {פ}
6 Moïse et Aaron, assaillis par la multitude, se dirigèrent vers l'entrée de la tente d'assignation et se jetèrent sur leur face; et la majesté divine leur apparut.
En lisant ce premier paragraphe, on a l’impression que le premier verset n’a pas de lien avec la suite.. Ici, quel est le lien entre la mort de Myriam et la crise d’eau du peuple d’Israël? En quoi cela place-t-il le contexte?

Il est d’ailleurs intéressant de noter que personne ne porte le deuil de Myriam. Elle meurt et puis, juste après, le peuple d’Israël se plaint du manque d’eau.

Plaçons d’ores et déjà cette histoire dans son contexte historique. Cela fait quarante ans que les Bnei Israël sont dans le désert. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas eu de crise d’eau pendant quarante ans ? Comment ont-ils survécu ?

Le Bâton et le Rocher


Continuons la lecture de notre passage.

ז וַיְדַבֵּר ה’, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר. 
7 Et l'Éternel parla ainsi à Moïse:
ח קַח אֶת-הַמַּטֶּה, וְהַקְהֵל אֶת-הָעֵדָה אַתָּה וְאַהֲרֹן אָחִיךָ, וְדִבַּרְתֶּם אֶל-הַסֶּלַע לְעֵינֵיהֶם, וְנָתַן מֵימָיו; וְהוֹצֵאתָ לָהֶם מַיִם מִן-הַסֶּלַע, וְהִשְׁקִיתָ אֶת-הָעֵדָה וְאֶת-בְּעִירָם. 
8 "Prends la verge et assemble la communauté, toi ainsi qu'Aaron ton frère, et dites au rocher, en leur présence, de donner ses eaux: tu feras couler, pour eux, de l'eau de ce rocher, et tu désaltéreras la communauté et son bétail."
ט וַיִּקַּח מֹשֶׁה אֶת-הַמַּטֶּה, מִלִּפְנֵי ה’, כַּאֲשֶׁר, צִוָּהוּ. 
9 Moïse prit la verge de devant l'Éternel, comme il le lui avait ordonné.
י וַיַּקְהִלוּ מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן, אֶת-הַקָּהָל--אֶל-פְּנֵי הַסָּלַע; וַיֹּאמֶר לָהֶם, שִׁמְעוּ-נָא הַמֹּרִים--הֲמִן-הַסֶּלַע הַזֶּה, נוֹצִיא לָכֶם מָיִם. 
10 Puis Moïse et Aaron convoquèrent l'assemblée devant le rocher, et il leur dit: "Or, écoutez, ô rebelles! Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l'eau pour vous?"
יא וַיָּרֶם מֹשֶׁה אֶת-יָדוֹ, וַיַּךְ אֶת-הַסֶּלַע בְּמַטֵּהוּ--פַּעֲמָיִם; וַיֵּצְאוּ מַיִם רַבִּים, וַתֵּשְׁתְּ הָעֵדָה וּבְעִירָם.  {ס}
11 Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de sa verge par deux fois; il en sortit de l'eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent.

Une série de questions se posent à la simple lecture de ces quelques versets :

-A quoi sert le Bâton ?

Hachem demande à Moché de prendre le Bâton et de parler au Rocher. Mais alors, à quoi sert-il ? Il faut pourtant croire qu’il a son importance, puisque la Torah insiste sur le fait que Moché a pris le Bâton « comme Il le lui avait ordonné ».

-De quel Bâton parle-t-on ?

Hachem demande à Moché de prendre le Bâton «קַח אֶת-הַמַּטֶּה »,sans préciser duquel il s’agit. En général, Hachem demande à Moché de prendre sonbâton (voir par exemple Exode 7:9, 7:19, 8:1 etc. Moché doit prendre sonbâton pour déclencher les plaies - Makote sur l’Egypte).

-Que signifie que Moché l’ait pris de devant Hachem ?

Cette précision doit nous interpeller. Que faisait le Bâton à cet endroit ?

-Avec quel bâton Moché frappe-t-il le Rocher ?

Relisons le texte (V.11). Tiens, maintenant on parle de son bâton – « בְּמַטֵּהוּ » – et non plus du Bâton! De quoi s’agit-il ?

-De quel Rocher parle-t-on ?

De la même manière qu’avec le Bâton, Hachem utilise un article défini : le Rocher. Mais de quel Rocher s’agit-il ? Moché, dans le désert, est sans doute entouré de milliers de rochers mais il semble qu’il sache à quel Rocher Hachem fait ici référence.

-Quel est le sens de la question de Moché : « Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l’eau pour vous ? »?

Est-ce une question rhétorique pour rendre son intervention plus théâtrale ? Ou bien, était-il énervé ? Ces réponses semblent un peu trop simplistes pour nous satisfaire, et là encore il est de notre devoir de chercher un sens profond à cette précision étonnante du verset ?

L’épilogue


Continuons et terminons notre histoire de Moché et du Rocher. Il s’agit maintenant de l’épilogue.

יב וַיֹּאמֶר ה’, אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן, יַעַן לֹא-הֶאֱמַנְתֶּם בִּי, לְהַקְדִּישֵׁנִי לְעֵינֵי בְּנֵי יִשְׂרָאֵל--לָכֵן, לֹא תָבִיאוּ אֶת-הַקָּהָל הַזֶּה, אֶל-הָאָרֶץ, אֲשֶׁר-נָתַתִּי לָהֶם.
12 Mais l'Éternel dit à Moïse et à Aaron: "Puisque vous n'avez pas assez cru en moi pour me sanctifier aux yeux des enfants d'Israël, aussi ne conduirez-vous point ce peuple dans le pays que je leur ai donné."
יג הֵמָּה מֵי מְרִיבָה, אֲשֶׁר-רָבוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל אֶת-ה’; וַיִּקָּדֵשׁ, בָּם.  {ס}
13 Ce sont là les eaux de Meriba, parce que les enfants d'Israël contestèrent contre le Seigneur, qui fit éclater sa sainteté par elles.
- Qu’est-ce que Hachem reproche à Moché et Aaron ?


Hachem relève ici un manque de foi d’une part, et un défaut de sanctification d’autre part.


Nous pouvons à la limite comprendre le reproche du manque de foi adressé ici à Moché. En effet, il n’a semble-t-il pas cru que d’un discours jaillirait le miracle. Néanmoins, il nous semble que, si déjà, Hachem pourrait lui reprocher un « manque de foi » (si l’on ose s’exprimer ainsi de Moché Rabbeinou !) en d’autres occasions, au cours desquelles ce manque apparent de foi est plus flagrant. Par exemple dans l’histoire des cailles de « קברות התאוה »où Hachem dit à Moché (Nombres, 11:23): « Est-ce que le bras de l'Éternel est trop court? Tu verras bientôt si ma parole s'accomplit devant toi ou non ! », paroles prononcées devant le scepticisme et le doute explicites de Moché.

Par ailleurs, le défaut de sanctification, mis ici en exergue, interpelle. Nous aurions pu comprendre que la leçon soit : « il faut suivre les paroles de Hachem à la lettre. Il a dit de parler, il ne faut pas frapper ». Mais ce n’est pas du tout la leçon que Hachem donne. Il dit en fait : « Vous n’avez pas sanctifié mon nom ! »

Pourtant, imaginons la scène un seul instant : Moché donne à boire à des millions de personnes assoiffées par deux simples coups de bâton : N’est-ce pas déjà extraordinaire ? N’est-ce pas déjà une expression extraordinaire de la puissance de Hachem ? N’est-ce pas une façon de Le sanctifier ?

Cette notion de sanctification est de surcroît très présente dans ce passage. L’histoire se conclut par l’expression « וַיִּקָּדֵשׁ בָּם » – elle-même ambiguë – et l’endroit où ces faits se sont déroulés s’appelle « קָדֵשׁ ».

En vérité, la notion de« קדושה » – que nous traduisons en général par « Sainteté » – évoque la« Séparation ».Par exemple lorsqu’on offrait un animal au Temple, celui-ci devenait « קדוש ». Cela ne signifie pas qu’il était devenu« Saint » mais plutôt qu’il aurait dorénavant un statut« différent », « séparé » du reste du troupeau.

A y réfléchir un tout petit peu, Hachem est bien ce qu’il y a de plus « קדוש » par rapport à l’Homme, Il est tellement différent de l’Homme ! Il est intouchable, impénétrable.

Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’ils n’ont pas « séparé » Hachem du peuple d’Israël ? Qu’ont-ils manqué de montrer au peuple d’Israël ?

Quel rapport avec Kora’h ?



Tout le monde connaît l’histoire de la rébellion de Kora’h. Celui-ci rassembla un groupe de sympathisants et contesta la gouvernance de Moché. La réponse de Hachem fut terrible : la terre s’ouvrit et engloutit Kora’h et ses hommes, vivants.

Savez-vous quand cette histoire a eu lieu ?

Elle s’est passée quarante ans avant l’histoire de « Moché et le Rocher ».


Savez-vous où elle est située dans la Torah ?

Dns la Paracha qui précède immédiatement l’histoire de « Moché et le Rocher ». Etonnant, non ?

Les liens


Ces deux histoires sont en réalité très liées. C’est ce que nous allons tâcher de démontrer.

Afin d’apprécier ce qui va suivre, il est fortement conseillé de prendre un peu de temps pour relire – dans le texte – l’histoire de Kora’h. Elle se trouve dans : Nombres, Ch. 16-17.

Relisons l’histoire de « Moché et le Rocher » et relevons tout ce qui nous renvoie à l’histoire de Kora’h.

1)« וַיִּקָּהֲלוּ עַל-מֹשֶׁה וְעַל-אַהֲרֹן » -« ils s'ameutèrent contre Moché et Aaron »

Cette expression est utilisée identiquement dans l’histoire de Kora’h (Nombres, Ch.16, V.3). C’est une expression peu commune dans la Torah. D’ailleurs, cette expression n’apparaît que ces deux fois-là dans toute la Torah.

2)«וְלוּ גָוַעְנוּ בִּגְוַע אַחֵינוּ לִפְנֵי ה’ » - « Ah! Que ne sommes-nous morts quand sont morts nos frères devant l'Éternel! »

La dernière fois dans la Torah que des gens sont morts devant la présence divine, c’est dans l’histoire de Kora’h. De plus l’usage de la racine גועn’est pas courant et pourtant celle-ci se retrouve dans l’histoire de Kora’h et dans celle du Bâton.

3)« קְהַל ה' » - « le peuple de D.ieu »

Curieuse appellation du peuple hébreu. Et pourtant c’est exactement comme cela que Kora’h le nomme.

4)«וְלָמָה הֲבֵאתֶם אֶת-קְהַל ה', אֶל-הַמִּדְבָּר הַזֶּה, לָמוּת שָׁם » -« Et pourquoi avez-vous conduit le peuple de D.ieu dans ce désert, pour y périr ?»

Il s’agit d’un rappel direct de la plainte de Datane et Avirame, les disciples de Kora’h :

«הַמְעַט, כִּי הֶעֱלִיתָנוּ מֵאֶרֶץ זָבַת חָלָב וּדְבַשׁ, לַהֲמִיתֵנוּ, בַּמִּדְבָּר » - « Est-ce peu que tu nous aies fait sortir d'un pays ruisselant de lait et de miel, pour nous faire mourir dans ce désert ! »


5)«ְולָמָה הֶעֱלִיתֻנוּ, מִמִּצְרַיִם, לְהָבִיא אֹתָנוּ,אֶל-הַמָּקוֹם הָרָע הַזֶּה: לֹא מְקוֹם זֶרַע, וּתְאֵנָה וְגֶפֶן וְרִמּוֹן » - « Et pourquoi nous avez-vous fait quitter l'Egypte pour nous amener en ce méchant pays, qui n'est pas un pays de culture, où il n'y a ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers ! »

Encore une ‘presque-citation’ de ce qu’ont déjà dit Datane et Avirame dans l’histoire de Kora’h «אַף לֹא אֶל-אֶרֶץ זָבַת חָלָב וּדְבַשׁ, הֲבִיאֹתָנוּ, וַתִּתֶּן-לָנוּ, נַחֲלַת שָׂדֶה וָכָרֶם »- « Certes, ce n'est pas dans un pays abondant en lait et en miel que tu nous as conduits; ce ne sont champs ni vignes dont tu nous as procuré l'héritage! »

6)Les rebelles

Hachem souhaite qu’il n’y ait plus de « בְנֵי-מֶרִי » - « rebelles » à l’issue de l’histoire de Kora’h. Et Moché réagit dans l’histoire du rocher en disant « Ecoutez ô rebelles »-«שִׁמְעוּ-נָא הַמֹּרִים ».

7)La réponse de Moché et Aharon

Elle suit exactement les même trois étapes (mais pas dans le même ordre) :

a.Moché et Aharon se rendent à l’entrée de la tente d’assignation « אֶל-פֶּתַח אֹהֶל מוֹעֵד »
b.Ils se jettent sur leurs faces « וַיִּפְּלוּ, עַל-פְּנֵיהֶם »
c.Et la présence Divine leur apparait : « וַיֵּרָא כְבוֹד-ה’ אֲלֵיהֶם »

Résumons : à partir du texte de l’histoire de Moché et le Rocher, tous les éléments en surbrillance sont des rappels à l’histoire de Kora’h :



א וַיָּבֹאוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל כָּל-הָעֵדָה מִדְבַּר-צִן, בַּחֹדֶשׁ הָרִאשׁוֹן, וַיֵּשֶׁב הָעָם, בְּקָדֵשׁ; וַתָּמָת שָׁם מִרְיָם, וַתִּקָּבֵר שָׁם. ב וְלֹא-הָיָה מַיִם, לָעֵדָה; וַיִּקָּהֲלוּ,עַל-מֹשֶׁה וְעַל-אַהֲרֹן. ג וַיָּרֶב הָעָם, עִם-מֹשֶׁה; וַיֹּאמְרוּ לֵאמֹר, וְלוּ גָוַעְנוּ בִּגְוַע אַחֵינוּ לִפְנֵי ה’. ד וְלָמָה הֲבֵאתֶם אֶת-קְהַל ה', אֶל-הַמִּדְבָּר הַזֶּה,לָמוּת שָׁם, אֲנַחְנוּ וּבְעִירֵנוּ. ה וְלָמָה הֶעֱלִיתֻנוּ,מִמִּצְרַיִם, לְהָבִיא אֹתָנוּ, אֶל-הַמָּקוֹם הָרָע הַזֶּה: לֹא מְקוֹם זֶרַע,וּתְאֵנָה וְגֶפֶן וְרִמּוֹן, וּמַיִם אַיִן, לִשְׁתּוֹת. ו וַיָּבֹא מֹשֶׁה וְאַהֲרֹן מִפְּנֵי הַקָּהָל, אֶל-פֶּתַח אֹהֶל מוֹעֵד, וַיִּפְּלוּ,עַל-פְּנֵיהֶם; וַיֵּרָא כְבוֹד-ה’, אֲלֵיהֶם. {פ}

Il est fascinant de voir à quel point ces deux histoires sont liées.

On est donc en droit de se demander : n’y avait-t-il pas un bâton, dans l’histoire de Kora’h, qui puisse nous éclairer sur la réelle nature de celui de l’histoire du Rocher ?

Le Bâton de Aharon


Comment l’histoire de Kora’h s’est-elle terminée ?

Hachem a demandé à Moché de prendre un bâton par tribu d’Israël – et en particulier, pour la tribu de Levi, celui d’Aharon – et de les entreposer dans la tente d’assignation – אֹהֶל מוֹעֵדafin qu’Il montre aux yeux de tout Israël qui serait son élu. Le bâton de la personne qu’Il aura choisie devra fleurir et c’est précisément ce qui arriva au bâton d’Aharon. Hachem demanda alors à Moché de laisser ce bâton dans le אֹהֶל מוֹעֵד pour en faire un symbole, afin que les personnes souhaitant se rebeller à l’avenir se rappellent du sort de Kora’h et de son assemblée.


Il se peut donc bien que le Bâton de notre histoire de Rocher soit celui d’Aharon. Cela a l’air cohérent. On comprendrait pourquoi Moché emploie le terme de« מֹּרִים ». Et on comprendrait aussi pourquoi il a pris le Bâton« מִלִּפְנֵי ה’ »,de devant Hachem.

Continuons toutefois notre enquête.

La clé est Myriam


Afin de comprendre et donner une réponse à toutes les questions que nous avons posées sur l’histoire de Moché et du Rocher, il faut prendre un peu de hauteur et dessiner un contexte à cette histoire.

C’est ce que Rachi fait et nous allons le découvrir au travers de l’étude de quelques extraits de ses commentaires.

Le puits de Myriam


Saviez-vousqu’il y a eu d’autres « crises d’eau » dans le désert ? En tout (en comptant celle dont on parle depuis le début), il y en a eu trois :

1)Crise d’eau n°1 :

Le peuple d’Israël est dans le désert depuis trois jours et il meurt de soif. Il se plaint car l’eau qu’il trouve est amère. Moché fait un miracle et adoucit l’eau.

Voici le texte de la Torah (Exode 15:22-25):

כ וַתִּקַּח מִרְיָם הַנְּבִיאָה אֲחוֹת אַהֲרֹן, אֶת-הַתֹּף--בְּיָדָהּ; וַתֵּצֶאןָ כָל-הַנָּשִׁים אַחֲרֶיהָ, בְּתֻפִּים וּבִמְחֹלֹת. 
20 Myriam, la prophétesse, sœur d'Aaron, prit en main un tambourin et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des instruments de danse.
כא וַתַּעַן לָהֶם, מִרְיָם:  שִׁירוּ לַה' כִּי-גָאֹה גָּאָה, סוּס וְרֹכְבוֹ רָמָה בַיָּם.  {ס}
21 Et Myriam leur fit répéter: "Chantez l'Éternel, il est souverainement grand; coursier et cavalier, il les a lancés dans la mer…"
כב וַיַּסַּע מֹשֶׁה אֶת-יִשְׂרָאֵל מִיַּם-סוּף, וַיֵּצְאוּ אֶל-מִדְבַּר-שׁוּר; וַיֵּלְכוּ שְׁלֹשֶׁת-יָמִים בַּמִּדְבָּר, וְלֹא-מָצְאוּ מָיִם. 
22 Moïse fit décamper Israël de la plage des joncs et ils débouchèrent dans le désert de Chour, où ils marchèrent trois jours sans trouver d'eau.
כג וַיָּבֹאוּ מָרָתָה--וְלֹא יָכְלוּ לִשְׁתֹּת מַיִם מִמָּרָה, כִּי מָרִים הֵם; עַל-כֵּן קָרָא-שְׁמָהּ, מָרָה. 
23 Ils arrivèrent à Mara. Or, ils ne purent boire l'eau de Mara, elle était trop amère; c'est pourquoi on nomma ce lieu Mara.
כד וַיִּלֹּנוּ הָעָם עַל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר, מַה-נִּשְׁתֶּה. 
24 Le peuple murmura contre Moïse, disant: "Que boirons-nous?"
כה וַיִּצְעַק אֶל-ה’, וַיּוֹרֵהוּ ה’ עֵץ, וַיַּשְׁלֵךְ אֶל-הַמַּיִם, וַיִּמְתְּקוּ הַמָּיִם; שָׁם שָׂם לוֹ חֹק וּמִשְׁפָּט, וְשָׁם נִסָּהוּ. 
25 Moïse implora le Seigneur; celui-ci lui indiqua un bois, qu'il jeta dans l'eau et l'eau devint potable. C'est alors qu'il lui imposa un principe et une loi, c'est alors qu'il le mit à l'épreuve
Cette crise d’eau a l’air tout à fait logique. Imaginez-vous : Trois jours sans boire, dans le désert !


2)Crise d’eau n°2

Celle-ci a lieu quelques semaines à la suite de la précédente. Et là, il se passe quelque chose de fascinant : Hachem demande à Moché de frapper un rocher afin que de l’eau en sorte et abreuve le peuple d’Israël assoiffé.

Voici le texte de la Torah (Exode 17:3-6):

ג וַיִּצְמָא שָׁם הָעָם לַמַּיִם, וַיָּלֶן הָעָם עַל-מֹשֶׁה; וַיֹּאמֶר, לָמָּה זֶּה הֶעֱלִיתָנוּ מִמִּצְרַיִם, לְהָמִית אֹתִי וְאֶת-בָּנַי וְאֶת-מִקְנַי, בַּצָּמָא. 
3 Alors, pressé par la soif, le peuple murmura contre Moïse et dit: "Pourquoi nous as-tu fait sortir de l'Égypte, pour faire mourir de soif moi, mes enfants et mes troupeaux?"
ד וַיִּצְעַק מֹשֶׁה אֶל-ה’ לֵאמֹר, מָה אֶעֱשֶׂה לָעָם הַזֶּה; עוֹד מְעַט, וּסְקָלֻנִי. 
4 Moïse se plaignit au Seigneur, en disant: "Que ferai-je pour ce peuple? Peu s'en faut qu'ils ne me lapident"
ה וַיֹּאמֶר ה’ אֶל-מֹשֶׁה, עֲבֹר לִפְנֵי הָעָם, וְקַח אִתְּךָ, מִזִּקְנֵי יִשְׂרָאֵל; וּמַטְּךָ, אֲשֶׁר הִכִּיתָ בּוֹ אֶת-הַיְאֹר--קַח בְּיָדְךָ, וְהָלָכְתָּ. 
5 Le Seigneur répondit à Moïse: "Avance-toi à la tête du peuple, accompagné de quelques-uns des anciens d'Israël; et ta verge, dont tu as frappé le fleuve, prends-la en main et marche.
ו הִנְנִי עֹמֵד לְפָנֶיךָ שָּׁם עַל-הַצּוּר, בְּחֹרֵב, וְהִכִּיתָ בַצּוּר וְיָצְאוּ מִמֶּנּוּ מַיִם, וְשָׁתָה הָעָם; וַיַּעַשׂ כֵּן מֹשֶׁה, לְעֵינֵי זִקְנֵי יִשְׂרָאֵל. 
6 Je vais t'apparaître là-bas sur le rocher, au mont Horeb; tu frapperas ce rocher et il en jaillira de l'eau et le peuple boira." Ainsi fit Moïse, à la vue des anciens d'Israël.

3)Crise d’eau n°3

C’est celle qui mène à l’histoire de Moché et « du » Bâton. Il est intéressant de noter qu’il s’est écoulé quarante ans entre la crise n°2 et la crise n°3. Une question s’impose encore : comment ont-ils fait pour tenir dans le désert sans eau pendant quarante ans ?

C’est Rachi qui nous éclaire ici (Nombres, 20:2):

« Et il n’y avait pas d’eau pour la communauté » : D’où l’on apprend qu’ils ont disposé du puits, tout au long des quarante ans, grâce au mérite de Myriam (Ta‘anith 9a).

Les sages, explique Rachi, apprennent d’ici que le Rocher qui a été frappé dans la crise n°2 n’a cessé de fournir de l’eau jusqu’à la crise n°3.

Et pourquoi s’est-il arrêté ?

A cause de la mort de Myriam ! C’est par le mérite de Myriam que ce Rocher n’a cessé de fonctionner et c’est ce Rocher que les sages ont appelé «באר מרים » - Le puits de Myriam.

Rachi vient de nous aider à mettre la première pièce de notre puzzle.

On comprend à présent le lien entre notre histoire et la mort de Myriam, on comprend que le Rocher était en fait le puits de Myriam et on comprend comment les Bnei Israël ont fait pour boire pendant quarante ans.

Myriam et l’eau


Continuons à enrichir le contexte de notre histoire de Moché et du Rocher. En effet, Myriam est présente dans chacune des crises d’eau. Bizarrement, elle apparaît dans le prologue de la crise n°1 (Exode 15 :20), puis la crise n°2 est l’apparition du puits de Myriam et enfin c’est sa disparition qui génère la crise n°3.

D’ailleurs, pour enfoncer le clou, de combien de manières est-il possible de lire le mot Myriam – «מרים »en hébreu en gardant l’ordre des lettres et en changeant les voyelles?

Exactement trois qui aient un sens :

1)Marim – qui signifie « amères »

2)Mérim – qui signifie « il soulève »

3)Morim – qui signifie « rebelles »


Chacune de ces combinaisons du nom de Myriam apparaît dans une crise d’eau !« Marim » comme les eaux amères de la crise n°1, « Mérim »comme Moché qui soulève son bras pour frapper le Rocher dans la crise n°2 et« Morim » comme l’injection de Moché envers les rebelles.


Comment se fait-il que Myriam soit tellement liée à l’eau ?

Il faut rechercher les connexions de Myriam avec l’eau dans sa propre histoire.

On rencontre Myriam dans la Torah avant les crises d’eau :

-Quand elle surveille le bébé Moché qui a été posé sur le Nil

-Quand elle chante avec les femmes lors de la traversée de la Mer des Joncs –יַּם-סוּף. D’ailleurs ceci est étonnant. Qu’est-ce qui a poussé Myriam à former un chant avec tambours et instruments de danse – בְּתֻפִּים וּבִמְחֹלֹת ?


Y-a-t-il un lien entre ces deux histoires de Myriam ?


Les deux bords – Le Nil et la Mer des Joncs


Etudions l’histoire de Myriam sur le Nil (Exode 2 :1-8) :

א וַיֵּלֶךְ אִישׁ, מִבֵּית לֵוִי; וַיִּקַּח, אֶת-בַּת-לֵוִי. 
1 Or, il y avait un homme de la famille de Lévi, qui avait épousé une fille de Lévi.
ב וַתַּהַר הָאִשָּׁה, וַתֵּלֶד בֵּן; וַתֵּרֶא אֹתוֹ כִּי-טוֹב הוּא, וַתִּצְפְּנֵהוּ שְׁלֹשָׁה יְרָחִים. 
2 Cette femme conçut et enfanta un fils. Elle considéra qu'il était beau et le tint caché pendant trois mois.
ג וְלֹא-יָכְלָה עוֹד, הַצְּפִינוֹ, וַתִּקַּח-לוֹ תֵּבַת גֹּמֶא, וַתַּחְמְרָה בַחֵמָר וּבַזָּפֶת; וַתָּשֶׂם בָּהּ אֶת-הַיֶּלֶד, וַתָּשֶׂם בַּסּוּף עַל-שְׂפַת הַיְאֹר. 
3 Ne pouvant le cacher plus longtemps, elle lui prépara un berceau de jonc qu'elle enduisit de bitume et de poix, elle y plaça l'enfant et le déposa dans les roseaux sur la rive du fleuve.
ד וַתֵּתַצַּב אֲחֹתוֹ, מֵרָחֹק, לְדֵעָה, מַה-יֵּעָשֶׂה לוֹ. 
4 Sa sœur se tint à distance pour observer ce qui lui arriverait.
ה וַתֵּרֶד בַּת-פַּרְעֹה לִרְחֹץ עַל-הַיְאֹר, וְנַעֲרֹתֶיהָ הֹלְכֹת עַל-יַד הַיְאֹר; וַתֵּרֶא אֶת-הַתֵּבָה בְּתוֹךְ הַסּוּף, וַתִּשְׁלַח אֶת-אֲמָתָהּ וַתִּקָּחֶהָ. 
5 Or, la fille de Pharaon descendit, pour se baigner, vers le fleuve, ses compagnes la suivant sur la rive. Elle aperçut le berceau parmi les roseaux et envoya sa servante qui alla le prendre.
ו וַתִּפְתַּח וַתִּרְאֵהוּ אֶת-הַיֶּלֶד, וְהִנֵּה-נַעַר בֹּכֶה; וַתַּחְמֹל עָלָיו--וַתֹּאמֶר, מִיַּלְדֵי הָעִבְרִים זֶה. 
6 Elle l'ouvrit, elle y vit l'enfant: c'était un garçon vagissant. Elle eut pitié de lui et dit: "C'est quelque enfant des Hébreux."
ז וַתֹּאמֶר אֲחֹתוֹ, אֶל-בַּת-פַּרְעֹה, הַאֵלֵךְ וְקָרָאתִי לָךְ אִשָּׁה מֵינֶקֶת, מִן הָעִבְרִיֹּת; וְתֵינִק לָךְ, אֶת-הַיָּלֶד. 
7 Sa sœur dit à la fille de Pharaon: "Faut-il t'aller quérir une nourrice parmi les femmes hébreues, qui t'allaitera cet enfant?"
ח וַתֹּאמֶר-לָהּ בַּת-פַּרְעֹה, לֵכִי; וַתֵּלֶךְ, הָעַלְמָה, וַתִּקְרָא, אֶת-אֵם הַיָּלֶד. 
8 La fille de Pharaon lui répondit: "Va." Et la jeune fille alla quérir la mère de l'enfant.
Qu’y a-t-il, dans cette histoire de Myriam qui sauve Moché, qui rappelle l’épisode de la traversée de la Mer de Joncs et le chant de Myriam qui l’a suivi ?

Lisons à présent le texte relatant l’épisode de la Mer des Joncs (Exode 14:9-13) :
ט וַיִּרְדְּפוּ מִצְרַיִם אַחֲרֵיהֶם, וַיַּשִּׂיגוּ אוֹתָם חֹנִים עַל-הַיָּם, כָּל-סוּס רֶכֶב פַּרְעֹה, וּפָרָשָׁיו וְחֵילוֹ--עַל-פִּי, הַחִירֹת, לִפְנֵי, בַּעַל צְפֹן. 
9 Les Égyptiens qui les poursuivaient les rencontrèrent, campés sur le rivage; tous les attelages de Pharaon, ses cavaliers, son armée, les joignirent près de Pi-Hahiroth, devant Baal-Cefôn.
י וּפַרְעֹה, הִקְרִיב; וַיִּשְׂאוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל אֶת-עֵינֵיהֶם וְהִנֵּה מִצְרַיִם נֹסֵעַ אַחֲרֵיהֶם, וַיִּירְאוּ מְאֹד, וַיִּצְעֲקוּ בְנֵי-יִשְׂרָאֵל, אֶל-ה’. 
10 Comme Pharaon approchait, les enfants d'Israël levèrent les yeux et voici que l'Égyptien était à leur poursuite; remplis d'effroi, les Israélites jetèrent des cris vers l'Éternel.
יג וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל-הָעָם, אַל-תִּירָאוּ--הִתְיַצְּבוּ וּרְאוּ אֶת-יְשׁוּעַת ה’, אֲשֶׁר-יַעֲשֶׂה לָכֶם הַיּוֹם:  כִּי, אֲשֶׁר רְאִיתֶם אֶת-מִצְרַיִם הַיּוֹם--לֹא תֹסִפוּ לִרְאֹתָם עוֹד, עַד-עוֹלָם. 
13 Moïse répondit au peuple: "Soyez sans crainte! Attendez, et vous serez témoins de l'assistance que l'Éternel vous procurera en ce jour! Certes, si vous avez vu les Égyptiens aujourd'hui, vous ne les reverrez plus jamais.

Il existe plusieurs liens textuels entre ces deux histoires. Voici ceux que l’on a trouvés :

1)Les Bnei Israël se trouvent au bord de la mer. Moché a été déposé au borddu fleuve.

2)La mer en question est la Mer des Joncs. Moché a été déposé parmi les joncs du bord du Nil.

3)Myriam attend à l’écart – וַתֵּתַצַּב – afin de savoir ce qui arrivera à son frère. Moché dit au peuple d’Israël d’attendrepour voir – הִתְיַצְּבוּ וּרְאוּ.

4)La fille de Pharaon s’approchedangereusement deMoché, accompagnée de ses servantes. C’est Pharaonlui-même qui s’approche des Bnei Israël. Il est accompagné de sa troupe. Dans les deux cas, il y a une menace d’un haut personnage égyptien accompagné.


Quelle conclusion peut-on tirer de ces connexions ?

On a l’impression que l’histoire du Nil est comme une prémonition en miniature de ce qui arrivera plus tard à grande échelle au peuple hébreu entier au bord de la Mer des Joncs. Incroyable ! En fait, Myriam a dû ressentir des choses très spéciales au bord de la Mer, cela a dû lui rappeler un épisode qui a marqué sa vie – au bord du Nil…


LeMidrach nous explique comment connecter les deux épisodes du Nil et de la Mer des Joncs. Lisons ce Midrach (Midrach Raba, 1 :22).

Le verset dit: « Et sa sœur se tenait de loin [pour voir] ». Pourquoi Myriam se tenait-elle de loin?

Rav Amram dit au nom de Rav: Car avant cela, Myriam avait prophétisé et avait dit « ma mère est destiné à donner naissance à un fils qui va sauver le peuple d’Israël ».Quand Moïse est né, la maison s’est remplie de lumière. Alors, son père se leva et l'embrassa sur la tête, en disant: « Ma fille, ta prophétie s’est réalisée!» Et ce fut à cause de cette prophétie que plus tard, à la mer, il est dit: « Myriam, la prophétesse, sœur d'Aaron, prit les instruments de musique et chanta ».Pourquoi la sœur d'Aaron et non de Moïse? Parce qu'elle a dit sa prophétie quand elle n’était encore que la sœur d'Aaron et que Moïse n'était pas encore né. Toutefois, lorsque sa mère a été forcée de le mettre dans un berceau sur le fleuve, le père s’est levé et a giflé [Myriam] sur le front en disant: « Ma fille, où est ta prophétie maintenant? ». Et c'est pourquoi il est écrit: « Myriam se tenait de loin pourvoir ». Elle voulait voir ce qui allait en être de sa prophétie.

A la lumière de ce Midrach nous pouvons un peu mieux ressentir ce que la Torah raconte dans les histoires de Myriam :

Il y avait un homme de la tribu de Lévi qui se maria avec une fille de la tribu de Levi. Les sages disent qu’en fait il s’est remarié avec la même femme suite aux remontrances de sa fille Myriam. Elle avait fait une prophétie et avait confiance en elle. Elle prophétisait qu’un enfant particulier allait naître dans sa famille et qu’il serait un sauveur pour le peuple d’Israël.

L’enfant naît et on remarque que « טוֹב הוּא » - « il était beau ». Le Midrach ci-dessus raconte que la maison s’est emplie de lumière. Ceci donnait du crédit à la prophétie de Myriam. Son père l’embrassa :« Ma fille, ta prophétie se réalise! ».

Mais Pharaon avait donné l’ordre de jeter les nouveau-nés garçons dans le Nil. Le bébé en lequel on avait tant d’espoirs ne devrait pas faire exception. Et voilà qu’on le met dans le Nil. Tous ces espoirs envolés ! Mais où est-donc ta prophétie ? Tout cela pour rien ?

Myriam ne veut pas y croire. Elle est sûre qu’Hachem viendra en aide à son frère car elle a une foi totale en sa prophétie. Alors elle se tient de loin – « וַתֵּתַצַּב אֲחֹתוֹ, מֵרָחֹק, לְדֵעָה, מַה-יֵּעָשֶׂה לוֹ » – et elle veut comprendre commentsa prophétie se réalisera. D’un point de vue rationnel, ses chances sont pourtant bien minces.

Ce qui arrive ensuite semble terrible. C’est bien le pire scénario qu’elle aurait pu imaginer ! Qui se présente ? La fille du bourreau des nouveau-nés, en personne. Il n’y a plus aucune chance pour sa prophétie… Myriam devrait vivre ici un grand moment de désespoir ; elle voit son frère voué à une mort certaine, et elle ne peut rien faire…

Qui peut regarder une telle chose ? Par exemple, Hagar n’avait pas réussi à voir son fils Ychmaël voué à une mort certaine dans le désert. Et c’est naturel. Qui peut être capable d’assister à des scènes aussi dures ? Mais Myriam regarde. Elle a un rêve, une prophétie. Et tant que l’espoir est possible, aussi infime soit-il, elle y croit. Les carottes ne sont pas encore cuites…

Mais oui ! Elle peut faire quelque chose ! Elle se lance, elle prend son courage à deux mains et propose de trouver une nourrice pour ce bébé. Très étrangement, la fille de Pharaon lui répond positivement – « לֵכִי » –« Vas-y » !

Et nous voilà desdizaines d’années plus tard, devant la Mer des Joncs et l’histoire semble se répéter, mais cette fois-ci dans une toute autre dimension, celle d’un peuple en entier.

Le peuple – et non plus le seul Moché bébé – se trouve au bord de l’eau, au bord des Joncs. Il est en danger, poursuivi par le Pharaon en personne accompagné de ses troupes. Et là, étrangement, alors que le peuple d’Israël est partagé sur l’action à mener (prier, faire la guerre, se rendre, se suicider), Moché prend une option à laquelle personne n’avait songé : On reste et on attend –« הִתְיַצְּבוּ וּרְאוּ » – que D.IEU nous délivre. Quel mimétisme à la réaction de Myriam – « וַתֵּתַצַּב אֲחֹתוֹ מֵרָחֹק לְדֵעָה » – qui attendait le miracle !

Lorsque la mer s’ouvre et que le peuple d’Israël est sauvé, Myriam ne peut qu’avoir une sensation, une émotion débordante de reconnaissance envers Hachem. Voilà probablement ce qui l’a poussée à prendre les femmes de côté et à composer sa chanson.

Et voilà pourquoi Myriam est à ce point liée à l’eau.

4. « Moché et le Rocher » : Tout s’explique


A la lumière de tout ce qui a été dit dans les paragraphes précédents, nous sommes maintenant en mesure de comprendre l’histoire de Moché et le Rocher et de répondre aux questions restées sans réponse.

Relisons l’histoire


L’histoire commence par la mort de Myriam. Et maintenant, on comprend très bien pourquoi. Ceci pose le contexte de la crise d’eau. On apprend que le puits de Myriam qui coulait depuis quarante ans s’est éteint en même temps qu’elle. Le puits cessant de donner de l’eau, les Bnei Israël ont soif. Ils ont tellement soif –ils sont dans le désert – qu’ils sont en danger de mort. C’est probablement la raison pour laquelle ils ne font pas de deuil pour Myriam. Ils sont occupés à survivre.

La crise d’eau prend la forme d’une rébellion que nous connaissons déjà, celle de Kora’h. L’histoire a l’air de se réécrire. Les Bnei Israël s’ameutent autour de Moché et d’Aharon.Et il y a toutes ces similitudes que nous avons mentionnées plus haut.

Dans l’histoire de Kora’h, la réaction de D.ieu consiste à :


כ וַיְדַבֵּר ה׳, אֶל-מֹשֶׁה וְאֶל-אַהֲרֹן לֵאמֹר. 
20 Et l'Éternel parla à Moïse et à Aaron en ces termes:
כא הִבָּדְלוּ, מִתּוֹךְ הָעֵדָה הַזֹּאת; וַאֲכַלֶּה אֹתָם, כְּרָגַע. 
21 "Séparez-vous de cette communauté, je veux l'anéantir à l'instant!"
כב וַיִּפְּלוּ עַל-פְּנֵיהֶם, וַיֹּאמְרוּ, אֵ–ל, אֱלֹקֵי הָרוּחֹת לְכָל-בָּשָׂר:  הָאִישׁ אֶחָד יֶחֱטָא, וְעַל כָּל-הָעֵדָה תִּקְצֹף.  {ס}
22 Mais ils tombèrent sur leur face et dirent: "Seigneur! D.ieu des esprits de toute chair! Quoi, un seul homme aura péché, et tu t'irriterais contre la communauté tout entière!"


On s’attend donc à la même réaction lors de la rébellion de la crise d’eau. Mais ce n’est pas ce qui arrive.

Hachem demande plutôt à Moché :

-« הַקְהֵל אֶת-הָעֵדָה » - « Assemble la communauté ».En d’autres termes, D.ieu demande à Moché de prendre les choses en main. Comme s’Il lui disait: « Rassemble-les,-toi ! Et ne les laisse pas se rassembler et se rebeller comme avec Kora’h ! »

-« קַח אֶת-הַמַּטֶּה » - « Prends leBâtonBâton ». C’est le Bâton d’Aharon, celui qui leur sert de leçon, celui qui avait été placé devant D.ieu, dans la tente d’assignation afin que le peuple d’Israël se souvienne que les histoires de rébellion se terminent mal. L’image du BâtonBâton vaut bien mille mots. D.ieu a un plan, il veut donner une leçon au peuple d’Israël par l’intermédiaire de Moché.

Hachem a un plan. Quelle en est la suite?

-« וְדִבַּרְתֶּם אֶל-הַסֶּלַע » - « Et parlez au Rocher ». Il faut parler au Rocher qui donnera son eau et abreuvera tout le peuple.

Moché a alors une réaction étrange que nous avons déjà remarquée. Il a une question qu’on ne comprend pas : « הֲמִן-הַסֶּלַע הַזֶּה, נוֹצִיא לָכֶם מָיִם ? » - « Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l'eau pour vous? »

Nous sommes maintenant en mesure de comprendre sa question. Moché sait comment marchent les miracles. Ils n’arrivent pas comme ça, sans raison. Pour mériter un miracle, il faut avoir une foi inébranlable en Hachem. Ou bien, il faut avoir Myriam et son mérite grâce auquel le puits n’avait cessé de fonctionner. Mais la situation qui se présente à Moché est catastrophique. Le peuple d’Israël se rebelle, il veut retourner en Egypte. Quelle foi ont-ils pour mériter un miracle ? D’un autre côté, Myriam n’est plus là. Comment le miracle pourra-t-il se réaliser ?

C’est cela la question de Moché. Regardez-bien, le mot « מֹּרִים » dans la question de Moché est écrit sans « ו ».Ce mot peut donc aussi se lire « Myriam » dans une lecture de 2èmeniveau. Comme si Moché se posait ici une double question : Comment pouvez-vous mériter un miracle sachant que :

1)Vous manquez de foi, vous êtes des rebelles ;

2)Myriam n’est plus là.

Toujours est-il que Hachem demande de parler au Rocher, mais Moché ne comprend pas. Il réagit différemment. Il prend son bâton et reproduit l’histoire qui s’était passée quarante ans auparavant, lorsque Hachem lui avait vraiment demandé de frapper le Rocher… Il essaye de reproduire, de recréer le Puits de Myriam, mais sans Myriam.

Alors Hachem n’est pas content. Quel est le problème ? En quoi cela est-il grave ?

Le Kal Va’homer de Rachi


Rachi explique que Moché, en parlant au Rocher, aurait donné une leçon cruciale au peuple d’Israël. En frappant le Rocher au lieu de lui parler, il a manqué à son rôle.

Quelle est cette leçon tellement importante ?

« Pour me sanctifier » : Car si vous aviez parlé au rocher et qu’il eût fait jaillir de l’eau, j’aurais été sanctifié aux yeux de la communauté qui se serait dit : « Si ce rocher, qui ne parle ni n’entend ni n’a besoin de nourriture, exécute l’ordre de Hachem, à plus forte raison nous incombe-t-il de le faire ! »

aintenant qu’on a lu Rachi sur la leçon que Moché aurait donnée au peuple d’Israël, sommes-nous métamorphosés ?

Au contraire, cette leçon, qui repose sur un raisonnement a fortiori (kal va’homer), a l’air d’avoir des failles. Un raisonnement a fortiori suppose que les deux éléments comparés sont à tout le moins comparables, et exploite la présence d’une certaine caractéristique étonnante chez l’un pour conclure à l’existence de cette même caractéristique chez l’autre, dès lors qu’elle y est moins étonnante. Mais lorsque l’analogie n’a aucun sens, comme ici entre des êtres humains et des rochers, le raisonnement semble très inapproprié.

Imaginons un programmeur informatique qui rentre le soir chez lui après le travail et qui, après plusieurs tentatives infructueuses pour obtenir un peu de calme, dit à ses enfants : « Toute la journée, je travaille avec des ordinateurs. Si déjà un ordinateur – qui ne reçoit pas de récompense, ni de punition et n’a pas besoin de nourriture – m’écoute lorsque je lui demande d’exécuter un programme ; alors à plus forte raison vous devriez m’écouter ». Qu’est-ce-que les enfants lui répondront ? Probablement : « Papa, nous ne sommes pas des ordinateurs ! Peut-être restes-tu trop tard au travail ? ! »

Afin de comprendre ce Rachi et son Kal Va’homer, il faut faire un petit détour par le Midrachsuivant.
Il y a eu trois bons nourriciers qui ont surgi pour le peuple d’Israël et ce sont : Moïse, Aaron et Myriam. Et trois beaux cadeaux ont été donnés à travers eux. Et ce sont: Le puits, la colonne de nuée, et la Manne. La Manne est venue par le mérite de Moïse; la colonne de nuée par le mérite d'Aaron, et le puits, par le mérite de Myriam. Quand Myriam mourut, le puits s’est arrêté [de donner de l'eau]

Réfléchissons à ces trois éléments, ces trois beaux cadeaux. Quel est leur point commun ?

Eh bien, ils sont tous les trois des miracles qui arrivaient tous les joursdans le désert. Et ce sont tous les trois des besoins vitaux : manger, boire et se diriger dans le désert.

Finalement, cela met en exergue l’idée selon laquelle la vie dans le désert, au quotidien, est en soi miraculeuse.

Pour en revenir aux Bnei Israël, cela fait quarante années que ce miracle dure. Le peuple d’Israël est sur le point d’entrer en Israël, et la vie n’y sera plus à ce point ‘miraculeuse’ dans le sens spectaculaire du terme. Le peuple d’Israël doit passer par une transition car les défis qui l’attendent en Terre d’israël ne sont pas les mêmes que ceux auxquels il a été confronté pendant quarante ans dans le désert.

Vie dans le désert vs. Vie en Terre d’Israël


Vivre dans un monde où les miracles se présentent quotidiennement diffère franchement d’une vie dans un monde normal, « naturel ». Les challenges spirituels auxquels nous sommes confrontés sont également bien différents. Essayons d’analyser.

1)La vie dans le désert

Dans le désert, les besoins de base, tels que la nourriture et l’eau, ne sont pas présents en quantité suffisante pour vivre. Les miracles quotidiens sont donc nécessaires pour survivre.

Les miracles y sont si présents, la présence divine est si manifeste, qu’observer les commandements divins se fait sans question : il est difficile de dire‘non’ à Hachem en personne !

C’est de cette façon que nous pourrions comprendre ce passage de Talmud Bavli (Avoda Zara 2b) a priori obscur :
Le verset dit que, [au Mont. Sinaï], le peuple se tint sous la montagne. Rav Dimi a déclaré au nom de Rav Chama: Ceci enseigne que le Saint, béni soit-Il, a tenu la montagne sur le peuple d’Israël comme s'il s'agissait d'un tonneau de vin, et leur dit: Si vous acceptez la Torah; très bien. Et si non, ici sera votre lieu de sépulture.

Comment peut-on refuser la Torah à Hachem en personne qui nous la propose ? Comment peut-on imaginer un seul instant que nous lui aurions répondu :« Ecoute, Hachem, ta Torah est intéressante, mais on préfère vivre sans… » ? Hachem en personne nous donne la Torah, évidemment que nous ne pouvons pas la refuser ! C’est peut-être cela l’image que donne le Talmud. Il ne s’agissait pas d’un choix contraint par une menace physique proférée à leur encontre. Cette image exprime simplement l’idée selon laquelle il n’avait pas réellement de choix à faire : nier ici l’évidence, c’était nier le concept même de la Vie.

Mais rien n’est gratuit. Et si les miracles sont nécessaires dans le désert, ils doivent se mériter. Comment ? Par la foi. Les miracles n’arrivent que si l’on a une foi complète en notre Créateur.

Le fait de vivre dans un environnement miraculeux où la présence divine est manifeste ne rend pas la foi en Hachem acquise. Les miracles font que, indéniablement, je sais que Hachem est présent. Mais, savoir que quelqu’un est là ne me force pas, en soi, à placer ma confiance totale en lui. Un peu comme un enfant qui sait que son père est derrière lui, mais qui ne sera pas forcément prêt à se laisser tomber en arrière pour autant, en comptant sur son père, en qui il a pourtant entière confiance, pour le rattraper. Ceci nécessiterait une foi en son père, une confiance d’une toute autre nature .

La confiance totale en quelqu’un est vraiment dure à atteindre : mettre sa vie complètement entre les mains d’un autre, sans aucune réserve, n’est pas du tout chose évidente.

C’est cela le défi spirituel dans le désert : la foi complète en Hachem. Et c’était ce que Myriam symbolisait : par ses attitudes, elle montrait une propension à mettre totalement sa vie entre les mains de son Créateur.

2)La vie dans un environnement« naturel »

Dans un environnement naturel, les besoins de base, tels que la nourriture et l’eau, sont naturellement présents, et en quantité suffisante pour vivre. Les miracles quotidiens ne sont donc pas nécessaires pour survivre. En tous les cas aucun miracle « visible » n’est requis.

Dans le désert, les commandements de Hachem sont respectés car on est« forcés » par la présence divine. Et la difficulté serait de savoir à quel point ils le sont avec le cœur. En d’autres termes : à quel point sont-ils intériorisés ?

En Israël, accomplir les commandements divins relèvera forcément d’une volonté déjà intériorisée, puisque rien de visible ne nous y pousse. La question existentielle se situe donc sur un autre plan : Va-t-on les accomplir ? Et si oui, combien va-t-on en respecter ?

Il en découle que l’expression extrême, constante, de foi envers Hachem est peut-être moins critique dans un environnement naturel. Mais, sans la présence divine quotidienne, l’observance des commandements de Hachem n’est plus chose acquise.

En Terre d’Israël, le challenge spirituel du peuple d’Israël sera donc l’accomplissement des commandements, c’est-à-dire qu’il se situera dans l’actionplutôt que dans la foi.


D’où viendra alors l’impulsion, l’élan pour l’action ?

La leçon manquée


La réponse se trouve dans le Puits de Myriam. Dans le désert, on contraignait le Rocher pour que de l’eau en sorte ; dans le nouveau monde, c’est la nature qui doit reprendre le dessus.

Et voilà la leçon que Moché aurait dû donner au peuple d’Israël en parlant au Rocher. Il fallait que le Rocher donne son eau sans y être contraint, sans être frappé. D’ailleurs, il est écrit : « וְנָתַן מֵימָיו » - « Et il donnera seseaux », celles qui en découlent naturellement. Il s’agit d’un miracle non-miraculeux. Un miracle de transition, un miracle dans lequel le Rocher n’est pas contraint, ne reçoit pas de coups. Au lieu de cela, il en sortit« de l’eau », une eau étrangère au rocher.

Revenons au Kal Va’homer de Rachi: Si déjà un simple Rocher écoute son créateur, bien qu’il n’ait aucun stimulus extérieur –il n’a pas de récompense ni de punition – alors a fortiori nous les hommes devons écouter notre créateur.

Qu’est-ce que cela signifie qu’un Rocher écoute son créateur ?

Pourquoi un Rocher écoute son créateur ? Pourquoi la nature écoute-t-elle son créateur ? Pourquoi y a-t-il des lois dans la nature ? Pourquoi la gravité existe-t-elle ?

La réponse à toutes ces questions tient en un mot : la Nature.

Si déjà un simple rocher écoute son créateur, sans aucune action extérieure, sans aucune contrainte, simplement parce que c’est NATUREL, alors à plus forte raison, nous, des hommes qui entrons en Israël, devons-nous écouter notre créateur.

Lorsqu’on se demande pourquoi on suit les préceptes de Hachem, on peut répondre que c’est parce qu’on veut aller au Paradis ou bien parce qu’on ne veut pas être puni. Mais tout cela reste externe. En réalité, quelle en est la raison fondamentale, interne ? C’est la même que celle qui pousse la gravité à toujours faire tomber les objets : parce que c’est NATUREL pour une créature d’écouter son créateur !

C’est en cela que les rochers et les hommes sont comparables, et c’est cet élément de comparaison qui sous-tend le raisonnement a fortiori de Rachi.

Conclusion


Moché devait donner une leçon cruciale au peuple d’Israël.

Moché se trouvait dans un cauchemar. C’était la rébellion de Kora’h qui se répétait, et Myriam sa sœur n’était plus là. Comment est-ce possible, se demanda Moché, qu’ils aient le mérite de bénéficier d’un miracle ?

Hachem demande de parler, d’introduire le peuple d’Israël à l’idée que D.ieu est là, derrière tout ce qui peut sembler naturel. Mais Moché n’obéit pas. C’est inimaginable pour lui que le miracle se produise. Moshé n’a vécu que dans un monde où la Nature est frappée, où les lois naturelles n’ont pas le dessus, où la présence de Hachem est manifeste, et là, pour lui, le miracle NE PEUT PAS se produire, alors, par désespoir, il prend son bâton et frappe…

Et voilà que Moché ne peut pas entrer en Terre Sainte. Pourquoi ?

Ce n’est pas une punition. C’est juste un constat. Le peuple d’Israël doit apprendre cette nouvelle leçon, il doit apprendre à vivre dans un environnement naturel, en Israël. Il lui faut à sa tête quelqu’un à même de les guider dans un tel environnement. Cela ne pouvait donc pas être Moché, car ce dernier ne pouvait concevoir qu’une vie « naturelle » pour les Bnei Israël était possible.

Hachem explique à Moché que dès lors qu’il s’est montré incapable de donner cette leçon au peuple, il ne pourra pas le diriger en Israël.
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Le cours complet se trouve ici:

2 commentaires:

  1. Emmanuel Boccara26 juin 2012 à 21:38

    merci pour cet aperçu. Tu n'a pas expliqué la particularité du bâton d'Aharon.
    Merci en tout cas pour ton fantastique travail de traduction et de rédaction.

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  2. J'ai vu il y a quelques temps, en relisant la parasha et les méfarshim que:
    1) le Rashbam dit clairement, en toute simplicité, que le bâton que D.ieu demande à Moché de prendre n'est autre que le bâton de Aharon qui avait fleuri et sur lequel étaient toujours accrochées les amendes qui y avait poussé.
    Le commentaire de Rav Fohrman donne un relief extraordinaire au piroush du Rashbam.
    2) Le Rashbam dit également que Moché ne pouvait être que "Chogueg" et non "mézid". Ce qui rejoint l'analyse de Rav Fohrman sur le "Chim'ou Na Hamorim?"
    3) La Rav Chichon Raphaël Hirsch donne un éclairage sur la faute de Moshé très proche de ce que Rav Fohrman propose. Je vous invite à le lire.

    Voila
    Naty

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